« Un pigeon à Paris » : le regard amusé et acerbe d’une mangaka sur la France
« Un pigeon à Paris » : le regard amusé et acerbe d’une mangaka sur la France
Par Morgane Tual
Lina Foujita raconte en manga sa vie de Japonaise à Paris, des galères de la Poste aux comportements parfois déconcertants des Parisiens.
« Un pigeon à Paris » est une découverte humoristique de la ville lumière. / LE MONDE
Une Tour Eiffel, une baguette et un énorme pigeon paniqué… La couverture d’Un pigeon à Paris, étonnant manga publié par Glénat en octobre, annonce la couleur : un récit de voyage loufoque et absurde, mettant en scène l’affolement d’une Japonaise plan-plan débarquée à Paris.
La mangaka Lina Foujita se prête dans ce récit à l’auto-fiction, racontant avec humour comment, célibataire, trentenaire et « sans emploi fixe », elle décide sur un coup de tête de déménager en France. Le reste est un enchaînement de galères propres à la vie parisienne – mais que découvre, effarée, cette jeune femme habituée à la rigueur, la politesse et la propreté japonaise.
« Un pigeon à Paris » décrit aussi avec étonnement les comportements des hommes français. / GLÉNAT
Des crottes de chien aux vols de téléphone, en passant par les appartements vétustes, le harcèlement de rue et la désinvolture de la Poste, Paris lui en fait voir de toutes les couleurs. On finit même par avoir un peu honte, en tant que Français (notamment Parisien), à la lecture de cet ouvrage. On sourit souvent des découvertes et déconvenues de l’héroïne-pigeon – c’est ainsi qu’elle se dessine –, mais c’est un rire parfois jaune, qui nous pousse à interroger notre mode de vie et à remettre en question le potentiellement surestimé « savoir-vivre » à la française.
« Un pigeon à Paris » est sorti en octobre aux éditions Glénat. / GLÉNAT
Se prend-on pour autant à rêver d’une vie à la japonaise ? Pas forcément, car les réflexes du personnage principal nous paraissent parfois aussi aberrants que ceux des Français qu’elle dépeint. Comme quand, au théâtre, elle pique une crise parce qu’un homme (impoli) est assis à sa place et lui en propose une autre, deux rangs devant. Un comportement parfaitement incompréhensible pour l’héroïne, qui l’obsédera toute la durée de la pièce, au point d’occuper près de dix pages de l’album. Et de laisser le lecteur français interloqué.
Les découvertes culinaires de l’héroïne d’« Un pigeon à Paris » ne semblent pas la convaincre. / GLÉNAT
Le style du manga déconcerte aussi : des personnages caricaturaux, presque enfantins, et une mise en scène survoltée. Les pages sont chargées, non pas de détails mais de trames grossières, de bulles, d’onomatopées, de cartouches... De couleurs aussi. On peut trouver dans la même vignette du jaune, du bleu, du vert, du rose, de l’orange et du violet, qui font de ce manga un objet pop joyeux, à l’esthétique douteuse assumée.
Un pigeon à Paris, Lina Foujita, éditions Glénat, 144 pages, 10,75 euros.