A Nice, l’application sécuritaire Reporty divise les habitants
A Nice, l’application sécuritaire Reporty divise les habitants
Par Paul Barelli (Nice, correspondant)
Testée depuis le 15 janvier, l’appli permet à tout citoyen de dénoncer un délit ou une incivilité en temps réel à la police.
L’application sécuritaire Reporty, à Nice, le 23 janvier. / ERIC GAILLARD / REUTERS
Les Niçois sont particulièrement sensibles aux problèmes d’insécurité. De nombreux habitants demeurent traumatisés par l’attentat du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais, qui a fait 86 morts. Depuis, l’attente sécuritaire des Niçois reste forte. Christian Estrosi, le maire LR, l’a bien perçu. D’autant que, si la délinquance globale, selon le ministère de l’intérieur, a légèrement diminué à Nice en 2017, les cambriolages ont, eux, augmenté de 17 %.
Depuis 2010, avec la mise en place de 1 000 caméras, le président de la métropole Nice Côte d’Azur multiplie les actions visant à métamorphoser la cinquième ville de France en « laboratoire » de la lutte contre la délinquance. Nice, cité la plus vidéosurveillée de France (1 962 caméras quadrillent les rues, soit 27 au km2), dispose de la plus importante police municipale de France : 414 policiers.
Après avoir décidé d’expérimenter le déploiement de policiers, non armés, dans trois écoles de la cité azuréenne dès le mois de mars, Christian Estrosi a été un cran au-dessus. Baptisée Reporty, cette application pour mobiles développée en Israël par la start-up de l’ancien premier ministre Ehoud Barak permet à tout citoyen d’être en lien audio et vidéo avec le centre de supervision urbain (le CSU) de la police municipale afin de « dénoncer » en temps réel une incivilité, une infraction, un délit, dont il serait témoin.
« Atteinte à la vie privée »
« Dénoncer un délit, ce n’est pas de la délation », a estimé Christian Estrosi, qui envisage le déploiement à grande échelle de cette application, testée pendant deux mois par 2 000 personnes volontaires : des agents de la ville de Nice, des comités de quartier.
« Nous dénonçons un risque de délation généralisée et une atteinte grave à la vie privée », ont martelé les membres du collectif anti-Reporty, lundi 5 février. Les opposants de gauche à l’application – un front qui réunit du PS aux Insoumis en passant par Tous citoyens, la CGT et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) – ont annoncé leur intention de saisir le Défenseur des droits pour mettre un frein à « la dérive sécuritaire de Christian Estrosi ». La CNIL (Commission nationale informatique et libertés) va être saisie par le collectif.
De leur côté, de nombreux Niçois ne semblent pas être hostiles à cette application : « Avec le terrorisme, toute mesure qui permet de renforcer la sécurité me paraît souhaitable. A condition de ne pas attribuer cette application à n’importe qui », confie un retraité niçois de 72 ans.