Football : Netflix n’était pas la bienvenue au Stade-Vélodrome
Football : Netflix n’était pas la bienvenue au Stade-Vélodrome
La chaîne souhaitait faire la promotion de sa série « Marseille » par un « tifo » sponsorisé. Une initiative qui a déclenché la fronde des supporteurs, explique notre chroniqueur Jérôme Latta.
Les supporteurs de l’OM lors du match face à Bordeaux, le 18 février. / JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS
Chronique. Annoncée, controversée puis annulée : l’animation prévue avant Marseille-Bordeaux dimanche 18 février au soir, avec la réalisation d’une mosaïque mettant en scène la série de Netflix Marseille – avec Gérard Depardieu et Benoît Magimel au casting – a été remballée par les supporteurs du virage nord à quelques heures seulement du coup d’envoi. Ce « tifo » avait été conçu par le groupe Yankee, groupe d’ultras qui avait associé ceux des MTP et des Dodgers dans son élaboration. Mais ceux-ci se sont désolidarisés quand ils ont appris que Netflix finançait sa fabrication.
Michel Tonini, leadeur des Yankees a trouvé la polémique « grotesque » : « Le tifo, on l’avait préparé nous-mêmes, il n’y a rien de Netflix dedans, c’est sans contrepartie, ils sont juste contents d’avoir un tifo le jour de leur opération de promotion. » Assez contents pour mettre de l’argent « dedans » (entre 20 000 et 30 000 euros, d’après l’Agence France-Presse (AFP), pour le matériel et le local). La candeur est une alliée sûre pour les services marketing, dans le sport. Selon L’Equipe pourtant, le service communication de Netflix avait travaillé « depuis plusieurs semaines (…) sur ce coup de projecteur en contactant les responsables des Yankees ».
La cause plutôt que la com
Le caractère concerté de l’opération laisse peu de place au doute : les panneaux publicitaires et les écrans du stade devaient diffuser la campagne, mais celle-ci aussi a été annulée. Idem pour le coup d’envoi fictif qui devait être donné par Gérard Depardieu, par crainte des huées. Peut-être les organisateurs se sont-ils rappelés une autre erreur de casting avec les sifflets qui avaient affligé Patrick Bruel (connu comme supporteur du PSG) lors de l’inauguration de l’Allianz Riviera de Nice, en septembre 2013. Un exilé fiscal en Russie aurait en tout cas été plus dans son élément au stade Louis-II de Monaco.
Les équipementiers subventionnent certains tifos représentant des maillots géants, mais un cap serait franchi si ces tifos étaient ouvertement sponsorisés. Or, toujours selon L’Equipe, l’OM aurait déjà approché les Yankees pour un tifo sponsorisé par Orange, essuyant alors un refus. Rien de surprenant puisque dans leur quête éperdue de recettes, les clubs estiment que tout espace a vocation à devenir un support publicitaire. Manifestement, tout le monde n’y est pas prêt.
Le virage nord a donc déployé une bâche classique et, comme son homologue au sud, a été le théâtre d’un festival de banderoles contre la répression dont se plaignent les ultras, certaines plus longues que toutes les répliques de Benoît Magimel dans un épisode de Marseille – et beaucoup moins triviales.
En plein conflit avec la Ligue et les pouvoirs publics, en particulier autour des fumigènes, l’heure était plus au militantisme qu’à la com. Aussi le virage sud a-t-il « craqué » une ligne entière de « fumis », suscitant l’irritation du commentateur de Canal+, Stéphane Guy, qui a présenté la légère brume présente à l’écran comme une « désolante image » (quelques minutes auparavant, la réalisation avait pourtant complaisamment filmé la tribune, joliment illuminée).
Droit au buzz
Apparemment, la démarche a donc tourné au fiasco pour Netflix, qui a aussi essuyé des critiques sur sa production, qualifiée de « série de m… qui enfonce plus Marseille qu’elle ne la met en avant » par Christian Cataldo, leadeur des Dodgers (AFP). Réduite à un décor et à un équivalent mafieux de Naples dans Gomorra, la ville éponyme n’a en effet pas eu grand-chose à y gagner. Mais c’est à se demander si le « bad buzz » n’est pas délibéré.
En effet, l’opération de com ferait presque oublier la surprise ressentie en apprenant que, malgré l’éreintement général de la première saison, une seconde avait été tournée. Annoncée comme un House of Cards à la française, comme une étape essentielle de l’implantation de Netflix en France, cette production a par exemple été décrite comme « une débandade artistique, un raté industriel (…) qu’on découvre d’abord surpris, puis consterné, enfin hilare face à la pauvreté de son scénario, l’indigence de ses dialogues, la lourdeur de sa mise en scène et la faiblesse de son interprétation ».
Peut-être la plate-forme américaine de streaming vidéo s’est-elle résignée à faire de Marseille une série culte dans la catégorie des nanards que l’on regarde pour s’en moquer et le parodier. L’épisode d’hier soir résumerait cet objectif : ne surtout pas montrer la série, mais continuer à en faire parler.
Pour sa deuxième saison marseillaise à lui, Rudi Garcia, semble viser une tout autre réussite. La courte victoire contre les Girondins (1-0) permet à l’OM de distancer l’Olympique lyonnais et de conforter sa place sur le podium. Une piste pour Netflix, qui vient de confirmer son intérêt pour le football en lançant un documentaire sur la Juventus Turin. Les spectateurs préfèrent quand même les équipes qui gagnent.