Le Monde

En trois jours, les bombardements de l’aviation syrienne sur l’enclave rebelle de la Ghouta orientale ont fait plus de 200 morts, dont près de 60 enfants. Lundi, au moins 100 civils sont morts selon le décompte de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), faisant de cette journée la plus sanglante en termes de pertes civiles depuis le début de l’année 2015, selon l’ONG.

Face à la catastrophe humanitaire qui se déroule sous ses yeux, la communauté internationale peine, comme depuis le début du conflit syrien, à adopter une position commune contre les massacres. Si plusieurs organismes des Nations unies condamnent cette sanglante campagne, ils n’ont pas de réel pouvoir politique. Les grandes puissances sont, elles, paralysées par leurs divisions et laissent le champ libre au régime de Bachar Al-Assad.

  • Pour l’Unicef : « Aucun mot ne rendra justice aux enfants tués »

Le coordinateur de l’Organisation des Nations unies pour l’aide humanitaire en Syrie, Panos Moumtzis, a déclaré dans la nuit de lundi à mardi que les bombardements de civils devaient « cesser maintenant ».

« La situation humanitaire des civils dans la Ghouta orientale est totalement hors de contrôle. Il est impératif de mettre fin immédiatement à cette souffrance humaine insensée. »

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a fait part de sa colère, mardi, dans un communiqué intitulé « Pertes humaines massives » et qui contient cette seule phrase : « Aucun mot ne rendra justice aux enfants tués, à leurs mères, leurs pères, à ceux qui leur sont chers. »

Dans le communiqué dix lignes sont laissées vides, entourées de guillemets puis une note explicative. « L’Unicef publie ce communiqué vide. Nous ne trouvons plus les mots pour décrire ni les souffrances des enfants ni notre indignation », poursuit le communiqué.

  • Pour l’opposition syrienne : une « guerre d’extermination »

L’opposition syrienne en exil a, elle, dénoncé « une guerre d’extermination » et le « silence international » face aux « crimes » du pouvoir Assad dans la guerre qui ravage la Syrie depuis près de sept ans. Elle accuse la Russie, alliée du régime, de chercher « à enterrer le processus politique » en vue d’une solution au conflit, qui a fait, depuis le 15 mars 2011, plus de 340 000 morts.

La journée de lundi a été « l’un des pires jours de l’histoire de la crise actuelle », a déclaré à l’Agence France-Presse un médecin de la Ghouta qui s’est identifié sous le nom d’Abou Al-Yousr.

  • Pour Le Drian : le « pire est devant nous »

Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, a estimé, pour sa part, mardi que le « pire est devant » nous en Syrie.

« La situation en Syrie se dégrade considérablement, c’est vrai qu’à mon sens le pire est devant nous et que s’il n’y a pas d’élément nouveau, nous allons vers un cataclysme humanitaire », a-t-il dit à l’Assemblée nationale.

Il doit se rendre « dans les prochains jours » à Moscou et à Téhéran pour parler de la situation dans le pays ravagé par près de sept ans de conflit, déclarant également qu’il y avait « une urgence absolue ». « Cela est dû au fait que le processus politique est bloqué, que derrière le combat contre Daech (…), la guerre civile se poursuit, elle se poursuit dans la Ghouta est, dans la zone d’Idlib », a-t-il souligné.

Il demande que le Conseil de sécurité de l’ONU puisse permettre, dès à présent, une trêve humanitaire et juge nécessaire la reprise des négociations de Genève sous l’égide des Nations unies. Plus tôt dans la journée, le ministère des affaires étrangères français, avait dénoncé une « grave violation du droit international humanitaire » dans la Ghouta orientale.

Après une frappe aérienne sur une partie de la Ghouta orientale, le 20 février en Syrie. / ABDULMONAM EASSA / AFP

  • Pour Human Rights Watch : « C’est un massacre »

Pour le directeur exécutif de l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW), Kenneth Roth, « il ne faut pas prétendre, alors qu’Assad assiège les civils de la Ghouta orientale et les bombarde sans relâche, y compris leurs hôpitaux, qu’il s’agit d’une guerre : c’est un massacre. Et [le président russe Vladimir] Poutine rend cela possible. »

Fidèle allié du régime syrien, Moscou a estimé, par la voix de son ambassadeur auprès des Nations unies, que la proposition de « trêve humanitaire » d’un mois lancée par le coordinateur régional du bureau des affaires humanitaires de l’ONU, n’était « pas réaliste », donnant ainsi à Damas le feu vert pour poursuivre ses pilonnages intensifs, à l’aviation et à l’artillerie.

« Et l’Iran est-il complice de ces crimes de guerre ? », s’interroge-t-il dans deux tweets mardi.

Syrie : les images après les bombardements sur l’enclave rebelle de la Ghouta
Durée : 01:31

  • La communauté internationale « passive »

Au-delà des organismes officiels, d’autres observateurs prennent la parole, sur les réseaux sociaux ou dans les médias, pour dénoncer le massacre en cours et condamner l’action de la communauté internationale.

Pour l’universitaire français Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po-Paris et auteur d’un blog sur le site du Monde, « le silence de la communauté internationale est d’autant plus choquant que les tueries en cours dans la Ghouta se déroulent à quelques kilomètres des bureaux de l’ONU à Damas ». « Quant au président Macron, qui avait pourtant proclamé qu’il serait intraitable sur la question de l’accès humanitaire aux zones de combat, sa passivité est pour le moins troublante », juge-t-il auprès de l’Agence France-Presse.

Pour l’ONU, les possibilités d’accès à la Ghouta orientale – où les cas de malnutrition, surtout infantile, sont nombreux – sont « tristement inadéquates ». Depuis début décembre, un seul convoi d’aide humanitaire a pu pénétrer dans l’enclave, le 14 février, pour porter secours à 7 200 personnes, alors que la population prisonnière est estimée à près de 400 000 âmes.