L’Autrichien, double médaillé durant les Jeux de Pyeongchang, est sorti dès la première manche du slalom. / LEONHARD FOEGER / REUTERS

On ne se moque pas impunément du riz en Corée du Sud, où le grain se retrouve dans tous les foyers et dans tous les rites. Sin Nong, protecteur des agriculteurs, « dieu des cinq graines » dans les croyances coréenne et chinoise, l’a rappelé à l’Autrichien Marcel Hirscher en le poussant à la faute dès la première manche du slalom olympique de Pyeongchang, jeudi 22 février.

« Je compte déjà les jours. Et, désolé, amis d’Asie, je ne peux plus voir ce riz ! », avait-il lâché après sa victoire dans le géant, quatre jours plus tôt. Mais les plus cartésiens, et Marcel Hirscher l’est assurément, jugeront que si l’Autrichien a raté une porte après un virage trop large, c’est qu’il était fatigué de ses courses et surtout des sollicitations ayant suivi ses deux titres olympiques, en combiné et en géant.

« C’était pourri avant même que la course commence. C’est la conclusion logique de mauvais entraînements où je n’ai jamais pu trouver de vitesse »

La dernière sortie de piste de maître Hirscher remontait à plus de deux ans : il est le plus sûr des slalomeurs. Sur quelle piste l’Autrichien avait-il alors fauté ? Celle d’Yuzawa Naeba, au Japon. Puni, déjà, par la divinité locale du riz, le puissant Inari ?

Le protégé d’une célèbre marque de boissons énergétiques a préféré incriminer la neige, comme quatre ans plus tôt à Sotchi, où il avait décroché la médaille d’argent. De fait, il semblait déjà mal à l’aise sur les premières portes et accusait, au milieu de la première manche, un retard de plus d’une demi-seconde sur son rival norvégien Henrik Kristoffersen. Ce dernier chutera à son tour dans la seconde manche, laissant la victoire au vétéran suédois André Myhrer, 35 ans.

« J’avais déjà un très mauvais pressentiment, c’était pourri avant même que la course commence, a raconté Marcel Hirscher. C’est la conclusion logique de mauvais entraînements où je n’ai jamais pu trouver de vitesse. Certains skieurs ont des problèmes d’accroche sur la neige glacée, pas moi. Mais, quand c’est de la neige accrocheuse et compacte comme ici aujourd’hui, j’ai beaucoup de mal à gérer. »

Les organisateurs avaient laissé entendre, trois jours plus tôt, que de la nouvelle neige – davantage glacée et au goût du champion – pourrait être injectée. Il n’en fut rien et Marcel Hirscher ne s’en est pas formalisé. Ses Jeux, a rappelé le discret meilleur skieur du monde, étaient déjà « absolument parfaits ». Sportivement parlant s’entend, puisqu’il s’était tout de même plaint des tribunes vides et d’être « au milieu de nulle part ».

Billets d’avion disponibles

Il a certes échoué à rejoindre dans l’histoire olympique du ski alpin, comme tout le monde le prédisait, l’Autrichien Toni Sailer et le Français Jean-Claude Killy, seuls triples champions olympiques lors d’une même édition (respectivement en 1956 et 1968). Mais ses deux titres comblent le seul manque dans son palmarès gargantuesque, constitué de six gros globes de cristal du classement général de la Coupe du monde.

Marcel Hirscher avait abordé les Jeux avec sur les épaules cette pression d’un premier titre olympique à conquérir, même s’il aimait à dire que cette consécration ne l’obsédait pas et qu’il se sentait tranquille en Corée. « On ne peut pas comparer avec les Mondiaux de Schladming, à trente minutes de chez moi : c’était bien, bien plus difficile, disait-il après le géant. Aux championnats du monde, il y a beaucoup de médias, le studio de la télé autrichienne. Ici c’est un peu pareil, le titre est juste différent. Je suis heureux d’en avoir deux. »

Son propre entraîneur, Mike Pircher, n’en croit rien. « Ce n’est pas vrai. Bien sûr qu’il voulait [le titre du slalom]. Il a eu tellement de succès ces dernières années que, si vous n’avez pas dans votre collection cette médaille d’or, c’est un peu triste. C’était le but ultime. »

Au mois de mars, l’Autrichien aura un septième gros globe d’affilée à aller décrocher. Ce qui dans son pays n’est pas moins prestigieux qu’un doublé olympique. Il n’avait donc qu’une envie, après son slalom raté : « J’espère qu’il reste des billets d’avion disponibles pour que je puisse rentrer chez moi dès maintenant. »