La justice administrative, saisie par l’Agence de la biomédecine, qui n’avait pu empêcher deux sexagénaires de recourir à une PMA, lui a donné raison lundi 5 mars en fixant, pour la première fois en France, la limite d’âge de procréer à « environ 59 ans » pour les hommes.

La cour administrative d’appel de Versailles a considéré qu’« en fonction des connaissances scientifiques (…) disponibles, un homme peut être regardé comme étant en âge de procréer, au sens de l’article L.2141-2 du code de la santé publique, jusqu’à un âge d’environ 59 ans, au-delà duquel les capacités procréatives de l’homme sont généralement altérées », selon ses arrêts, dont l’AFP a obtenu copie.

Les deux hommes, respectivement âgés de 68 et 69 ans au moment de leur demande, s’étaient vu refuser par des centres de procréation médicalement assistée (PMA) de pouvoir utiliser leurs paillettes de sperme congelé en France, car ils avaient plus de 60 ans lors de leur demande. Ils avaient donc demandé à l’Agence de la biomédecine l’autorisation d’exporter leurs paillettes pour procéder à une PMA à l’étranger.

Mais cette dernière avait refusé, les considérant elle aussi trop vieux, et avait refusé de leur restituer le sperme congelé. Ils avaient alors saisi le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et obtenu en février 2017 l’autorisation d’exporter leur sperme congelé pour entamer avec leurs épouses une PMA en Belgique pour l’un, en Espagne pour le second.

L’Agence de la biomédecine, contrainte de donner son feu vert à cette exportation, avait fait appel de ce jugement, exprimant le « besoin d’une clarification des règles applicables » en matière de PMA. L’établissement public n’a pas souhaité commenter la décision rendue aujourd’hui.

L’avocat dénonce « une position morale et sociétale »

Me Raphaël Kempf, avocat de l’un des deux couples, a dit regretter cette décision. « En fixant à environ 59 ans l’âge limite pour qu’un homme puisse faire une PMA, les juges se comportent comme le législateur qu’ils ne sont pas. La décision de savoir si un homme peut s’engager dans une PMA appartient en effet à ce dernier, à sa compagne et au corps médical, pas à l’Etat à travers l’Agence de la biomédecine », a-t-il indiqué.

« Rien n’est prévu dans la loi, ce n’est donc pas une décision juridique » mais « une position morale et sociétale, dans le cadre de la révision de la loi bioéthique » (dont les débats doivent durer jusqu’à l’été), a abondé sa consœur Laurence Roques, qui défendait les intérêts de l’autre couple.

En France, la PMA est jusqu’à présent réservée aux couples hétérosexuels « en âge de procréer » et qui souffrent d’une infertilité médicalement constatée ou bien qui risquent de transmettre une maladie grave à l’enfant. Il n’y a pas d’âge limite clairement fixé pour bénéficier d’une PMA mais l’Assurance-maladie prend en charge la PMA à condition que la femme n’ait pas dépassé 43 ans. En juin 2017, un organe consultatif de l’Agence de la biomédecine s’était prononcé pour la fixation d’un âge limite précis, de 43 ans pour les femmes, de 60 ans pour les hommes.