Zombies, gnons et peaux de banane : aux bons souvenirs des jeux vidéo en coopération
Zombies, gnons et peaux de banane : aux bons souvenirs des jeux vidéo en coopération
Par William Audureau
A l’occasion de la sortie d’« A Way Out », joueurs et joueuses racontent à Pixels leurs meilleures expériences d’entraide dans les mondes virtuels.
« Je t’aide, moi non plus », aurait sûrement chanté Serge Gainsbourg s’il avait déjà joué à un jeu vidéo collaboratif. L’échappée belle proposée aux deux incarcérés d’A Way Out, sorti vendredi 23 mars sur PlayStation 4, PC et Xbox One, est le dernier exemple en date d’une longue tradition d’expériences de coopération – ou « coop » pour les intimes – qui vont de l’entraide aux vacheries et a marqué les joueurs.
« J’étais supernul, je me suis fait virer »
Le mignon jeu d’adresse Bubble Bobble a été l’un des premiers souvenirs du genre de nombreux jeunes joueurs, aux côtés de Chip’n Dale : Rescue Rangers, adaptation bondissante du dessin animé Tic et Tac, un des premiers jeux de plate-forme collaboratif.
« Chip’n Dale », un des premiers jeux de plate-forme à succès jouable à deux en même temps. / Capcom
Jouer à deux, découvrent alors les joueurs, ce n’est pas facile. Florian se rappelle de moments d’osmose sur Probotector sur NES. « On connaissait les deux premiers niveaux par cœur », précise-t-il. Mais c’est souvent se heurter à des différences problématiques de niveau.
La première expérience en binôme de Grégory sur Ninja Turtles a ainsi tourné court : « Ça a duré environ trois minutes parce que j’étais supernul et que je me suis fait virer. » De son côté, Mélanie se revoit jouer à Sonic the Hedgehog 2 sur Megadrive avec son petit frère, mais « Tails ne servait pas à grand-chose », admet-elle.
L’Age d’or des mandales
Et puis coopérer, pourquoi faire, quand on peut taquiner son partenaire de manette ? Double Dragon II : The Revenge, lancé en 1988, est typique des alliances virtuelles virant souvent à la foire d’empoigne. « Etait-ce vraiment du coop vu qu’on passait notre temps à se mettre des manchettes dans la face ? », s’interroge Xavier. « Et quel plaisir de coller une mandale à ton 2P : ah ouais, pardon, j’ai pas fait exprès, faut dire t’étais devant le boss, là », ricane Yann.
NES Longplay - Double Dragon 2 (NES) -Two-Playermode
Durée : 20:02
Super Mario Kart est également emblématique. Le terme friendly fire (tir ami, quand des alliés peuvent se blesser les uns les autres) n’existe pas encore, mais l’idée est déjà là : les deux joueurs ont beau avoir intérêt à faire équipe, rien ne les empêche de se faire des crasses. « Mon meilleur souvenir, ce sont les feux de camp dans Golden Axe : quand on se battait comme des fous pour récupérer toutes les potions de magie et pour faire enrager l’autre », abonde Camille.
Streets of Rage, Final Fight, Golden Axe, TMNT Turtles in Time… Au début des années 1990, de nombreux jeux s’enfoncent dans cette brèche, qui débouchera naturellement sur la mode des jeux de combat en un contre un, à la Street Fighter II.
Alliances sacrées
Dans le même temps, une autre tendance apparaît : l’entraide pure. Le jeu de plate-forme Mickey & Donald World of Illusion sur Megadrive est l’exemple type « de vraies mécaniques coop », pour le doctorant en game design Antonin Congy : les joueurs se font la courte échelle, se hissent ou se catapultent, dans des niveaux spécialement conçus pour deux.
Mega Drive Longplay - World of Illusion (2 player co-op)
Durée : 53:45
La coop s’immisce dès lors dans les genres insoupçonnés, comme l’aventure-réflexion dans l’excellent Goof Troop ; ou dans le non moins fameux ToeJam & Earl sur Megadrive. Mais si un titre a marqué l’époque, c’est le féerique jeu de rôle Secret of Mana, jouable à trois. Pierre se souvient avoir joué « avec un pote à grands coups de Prince de LU jusqu’à très tard ». Il reste l’un des rarissimes cas de jeux d’aventure collégiaux.
Premier jeu d’aventure jouable à trois en collaboration, « Secret of Mana » a marqué toute une génération de joueurs. / Square Enix
La coop bricolée
Parfois, les joueurs ne demandent pas leur avis aux créateurs pour se réunir autour de l’écran. Laaris relate qu’ils s’étaient partagé le clavier à trois pour battre le boss de fin de Tomb Raider 3. « On était jeunes et le jeu était difficile. Il y en a un qui gérait la course et les sauts, un deuxième les flingues, le troisième la caméra. »
Tomb Raider 3 - Final Boss Antarctica - Willard
Durée : 03:07
Même les jeux les moins conviviaux peuvent susciter l’entraide. Pierre se revoit, « lui au pad, moi en train de dessiner en live les plans du manoir du [jeu d’horreur] Resident Evil sur PS1. On n’avait pas de carte mémoire, on recommençait à zéro à chaque fois, il fallait optimiser le parcours. Ça, c’est de la coop ! »
Même dans les jeux compétitifs, un pacte est si vite scellé. Martin se souvient de stratagèmes retors à Quake, avec un ami, quand tous s’entre-tuaient : « Il a fallu un moment pour que les autres comprennent que l’un de nous servait de rabatteur à l’autre. »
Des dispositifs de plus en plus originaux
Les jeux en ligne, avec ces mondes virtuels immenses, ont donné à la coopération une toute nouvelle échelle, avec de nouveaux rôles sociaux qui se dessinent. Yohann a découvert dans sa guilde à World of Warcraft le rôle de soigneur.
« Se battre à remplir des barres vertes [les jauges indiquant les points de vie] m’a changé de tout ce que me proposaient les jeux avant (taper…) et a éveillé ma vraie vocation. »
La coop dans des mondes persistants, certains couples en ont même fait un style de vie. « Avec mon épouse, on avait deux télés côte à côte dans le salon, deux Xbox 360, deux jeux, deux abonnements pour jouer ensemble. On était jeune… », soupire Antonin en se remémorant leurs heures passées dans Phantasy Star Online.
De son côté, la GameCube de Nintendo, ses quatre ports manettes et sa connexion avec la GameBoy Advance a accouché de titres mémorables, comme Mario Kart : Double Dash !! et ses karts biplaces, l’un au volant, l’autre au jet de carapaces. « Remporter une coupe à deux, c’est très jouissif », témoigne Loïc.
Mario Kart: Double Dash - 150cc Mushroom Cup Grand Prix (40 Points)
Durée : 10:03
Escouades par équipe
Halo, TimeSplitters, Left 4 Dead, Army of Two, Gears of War… Les années 2000 sont surtout la décennie du jeu de tir collaboratif. Epyon, journaliste à Jeuxvideo.com, se rappelle de parties dans des conditions de fortune sur Gears of War, qu’il n’envisageait pas de faire sans son meilleur ami :
« Gros souvenir, avec une télé HD énorme qu’on avait installée sur un vieux carton rempli de rouleaux de papier toilette. Il venait d’emménager, on a bricolé un meuble de télé avec ce qu’on avait sous la main. Le bon vieux temps ! »
Left 4 Dead et sa suite, qui placent une escouade face à des hordes de zombies, a réveillé, de son côté, quelques instincts de survie. « Se retrouver à deux, trois ou quatre contre un monde infecté, forcément que ça resserre des liens », observe Valentin.
Idéalement, dans « Left4Dead », les quatre joueurs repartiront ensemble par l’hélicoptère. Idéalement... / Valve
Poischich, ancien rédacteur en chef de Gamekult, avait, lui, une gestion des ressources humaines toute personnelle lors des parties de Left 4 Dead 2 le midi. « Le meilleur souvenir, c’est quand tu embarques dans l’hélico final en laissant un pote attrapé par les zombies se faire bouffer à quelques mètres. Pas de place pour les losers dans une apocalypse zombie, c’est connu. »
« Quand l’osmose est totale… »
La fin des années 2000 a donné naissance à un nouveau registre : le jeu de plate-forme à quatre en même temps. Régis se souvient « des barres de rire du début à la fin avec [sa] femme », sur New Super Mario Bros. Wii (2009). Un « grand bordel avec le génialissime système de bulles » dans lesquelles flottaient les joueurs ayant perdu une vie, se rappelle Vincent.
New Super Mario Bros. Wii 4 Player Party Playthrough Part 7
Durée : 10:59
Plusieurs monuments du jeu vidéo ont depuis réussi à construire des propositions originales, comme Journey avec ses rencontres muettes ou Portal 2 et ses puzzles vertigineux à résoudre à deux. « Quand l’osmose est totale et que la solution devient subitement évidente, quel sentiment de supériorité intellectuelle ! », s’enthousiasme Brice.
Plus récemment, le jeu en coop est même devenu un registre à part entière sur la scène bouillonnante du jeu vidéo indépendant. A l’image d’Overcooked, démoniaque jeu de cuisine collaborative ; Keep Talking and Nobody Explodes, jeu de déminage à l’aveugle, ou Lovers in a Dangerous Spacetime, et son vaisseau spatial à gérer à plusieurs en même temps.
Dans « Lovers in a Dangerous Spacetime », quatre joueurs collaborent dans un joyeux bazar pour diriger et défendre cette grosse sphère spatiale. / Asteroid Base
« Des parties aussi frustrantes, quand les autres font n’importe quoi, que jouissives, quand la coopération est bien huilée », remarque Hadrien. D’autres joueurs se contentent toutefois de plaisirs plus simples, comme Neho :
« [Plein de] jeux m’ont permis de passer de bons après-midi sur le canapé : “Mario Kart”, “Smash Bros”…. Mais c’est surtout grâce au canapé, finalement. »