Mike Pompeo est auditionné à partir du jeudi 12 avril par le Sénat américain. / Andrew Harnik / AP

Difficile de ne pas y voir un certain sens du timing. A partir du jeudi 12 avril, le Sénat américain auditionne Mike Pompeo, que Donald Trump avait nommé directeur de la CIA en 2017, afin de valider ou non sa nomination comme secrétaire d’Etat. En pleine interrogation sur une éventuelle riposte militaire américaine à l’attaque chimique du régime syrien, le probable futur patron de la diplomatie américaine est attendu au tournant, un mois après l’éviction de Rex Tillerson.

Signe de l’enjeu, Mike Pompeo, 54 ans, a téléphoné aux anciens secrétaires d’Etat démocrates Hillary Clinton et John Kerry – contre lesquels il avait été très critique par le passé – afin d’obtenir des conseils avant son audition par le Sénat, révèle Politico. Un geste qui s’inscrit dans une « offensive de charme » menée ces derniers jours par le patron de la CIA, souligne le site d’informations américain, qui y voit là une tentative pour « assagir son image sulfureuse » de « faucon ». Et pour montrer qu’il constitue le principal espoir de recadrer la politique extérieure de l’administration Trump.

Déclarations sulfureuses

Le choix de Mike Pompeo est certes loin de faire l’unanimité. Par le passé, cet ancien militaire, élu du Kansas, s’est souvent illustré par ses prises de position ultraconservatrices. Au Congrès, il soutient à demi-mot le recours à la torture par l’armée américaine et les services de renseignements. Il s’illustre aussi comme farouche soutien des programmes de surveillance de la National Security Agency (NSA), jugeant que le lanceur d’alerte Edward Snowden mérite la peine de mort pour trahison.

Opposé à l’accord avec l’Iran, Mike Pompeo est aussi particulièrement véhément vis-à-vis de la Corée du Nord ou de l’accord pour le climat de Paris. Nommé à la tête de la CIA après l’élection de Donald Trump, il avait défini sa ligne : « Pour que la CIA connaisse le succès, elle doit être agressive, brutale, implacable et impitoyable ».

« Présage de renouveau »

Ces déclarations sulfureuses lui valent aujourd’hui une campagne d’opposition forte, y compris dans les rangs républicains. Le sénateur du Kentucky, Rand Paul, a prévenu qu’il s’opposerait à sa nomination, et tente de convaincre d’autres sénateurs d’en faire de même.

« Si l’initiative de Rand Paul s’ajoutait à l’opposition des démocrates, Pompeo serait le premier secrétaire d’Etat choisi à ne pas être approuvé », prévient le Washington Post, qui s’inquiète des conséquences d’un rejet éventuel :

« L’urgence absolue du moment oblige surtout à voir combien le département d’Etat a besoin d’un dirigeant, et que Pompeo, bien qu’imparfait, doit commencer à travailler le plus tôt possible. »

A l’unisson, le New York Times rappelle que refuser de valider la nomination de Mike Pompeo serait « une rebuffade très gênante ». Pour le quotidien, l’ancien directeur de la CIA est en effet un « présage de renouveau » au vu de « l’état de délabrement dans lequel Rex Tillerson a laissé le poste, traitant avec mépris les diplomates les plus expérimentés, réduisant les effectifs, et menant à l’échec le projet de réorganisation ».

Enjeux urgents

Les enjeux sont nombreux et urgents pour l’administration américaine : Donald Trump doit se prononcer le 12 mai sur l’avenir de l’accord nucléaire iranien, puis rencontrer le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un fin mai ou début juin, tandis que, dans le même temps, l’ambassade américaine en Israël doit être transférée à Jérusalem.

A ces dossiers s’ajoutent l’affaire de l’ingérence russe dans l’élection de Donald Trump, mais aussi, depuis le 7 avril, l’enjeu d’une réaction américaine face au dirigeant syrien, Bachar Al-Assad, accusé d’avoir à nouveau bombardé son peuple avec des armes chimiques.

A quoi ressemblerait le « style Pompeo » au département d’Etat ? L’audition de jeudi devrait permettre d’en savoir davantage sur les engagements du candidat, qui devra réussir à garder la confiance de Donald Trump tout en tempérant ses élans belliqueux récurrents, et sa propension à jeter de l’huile sur le feu. Son prédécesseur, Rex Tillerson, avait échoué à trouver sa place dans l’équation.

Mike Pompeo devra en outre composer avec un troisième homme, le nouveau conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche depuis mars, John Bolton – néo-conservateur et grand défenseur des guerres préventives.

En 2016, Mike Pompeo avait été confirmé à l’unanimité par le Sénat pour son poste à la CIA. Cette fois, il risque d’avoir plus de mal à faire consensus. Mais le sénateur républicain Lindsey Graham a prévenu : « Si vous pensez que la diplomatie est un élément important de la sécurité intérieure, alors nous avons besoin d’un secrétaire d’Etat. Et si vous voulez retirer la diplomatie et le département d’Etat de la table, alors vous feriez mieux d’acheter vite plus de bombes. »