A Londres, le 29 mars. / DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Dès le lendemain du vote en faveur du Brexit, le 23 juin 2016, la France et d’autres pays européens ont enregistré une forte croissance des demandes d’acquisition de leur nationalité par des citoyens britanniques. Mais cette tendance a son pendant sur le continent : le nombre d’Européens – et surtout de Français – prétendant à la citoyenneté britannique a considérablement augmenté.

En 2017, 3 474 Français ont déposé un dossier pour acquérir la citoyenneté britannique, contre seulement 920 en 2015 et 1265 en 2016. Au total, 2 862 procédures ont abouti l’année dernière, soit près de quatre fois plus que deux ans auparavant.

Sur les talons des Français, 3 129 Allemands ont demandé la nationalité au Royaume-Uni en 2017, alors qu’ils n’étaient que 757 en 2015. La progression la plus importante vient des pays scandinaves : en 2017, huit fois plus de Danois et cinq fois plus de Finlandais ont obtenu la double nationalité qu’au cours de l’année 2015.

« Bon caractère ».

Presque deux ans après la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne, les négociations sur les modalités de cette sortie n’avancent que très péniblement. L’incertitude est de mise, et inquiète tant les Britanniques que les Européens ayant des attaches outre-Manche. Ces derniers misent sur la double nationalité.

La décision de naturaliser un étranger reste entièrement à la discrétion du Home Office. Le requérant doit avoir séjourné cinq ans sur le territoire avant sa demande (trois s’il est marié à un citoyen britannique), parler l’une des langues officielles du Royaume-Uni, connaître ses us et coutumes et être « de bon caractère ».

Tout comme le Royaume-Uni a ouvert les bras à quantité de Français, l’Hexagone a reçu de très nombreux dossiers de demande de naturalisation. « Avant le Brexit, nous n’avions jamais reçu de demandes de Britanniques, se souvient Fiona Mougenot, directrice d’un cabinet de conseil qui accompagne les étrangers désireux d’être naturalisés. Puis ça a soudainement explosé, et la tendance ne faiblit pas. »

« Bonnes mœurs »

Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 3 173 Britanniques ont déposé une requête auprès de la France en 2017, alors qu’ils n’étaient que 386 en 2015. Pour que leur demande aboutisse, les sujets de Sa Majesté doivent avoir résidé cinq ans de nôtre côté de la Manche, être capables de subvenir à leurs besoins, adhérer aux valeurs de la République, parler français et être « de bonnes vie et mœurs ». L’année dernière, 1 518 postulants ont obtenu la double nationalité.

Plus encore que la Manche, c’est la mer d’Irlande que de nombreux Britanniques ont traversée à la suite du Brexit. D’après les chiffres obtenus par le quotidien The Guardian, l’île d’Emeraude a reçu de ses voisins insulaires le plus important nombre de dossiers de naturalisation au niveau européen. Durant les douze mois qui ont suivi le référendum du Brexit, 8 911 demandes ont été formulées – dont seulement 10 % par des Britanniques résidant en Irlande – contre 793 en 2015.

Au total, 17 000 Britanniques ont sollicité la citoyenneté d’un autre pays européen entre juillet 2016 et juin 2017. « Je distingue deux catégories de demandeurs, note Mme Mougenot. Il y a d’une part ceux que j’appelle “les anciens”, qui se sentent très européens, qui ont connu les débuts de l’union, et qui veulent conserver cette identité, et d’autre part les moins de 35 ans, qui y trouvent un intérêt plus pratique, en termes de déplacements, de travail. »