Aux Philippines, Duterte fait fermer un paradis touristique devenu un « cloaque »
Aux Philippines, Duterte fait fermer un paradis touristique devenu un « cloaque »
Par Bruno Philip (Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est)
Le président, qui a pris cette décision coûteuse pour l’économie de son pays sur la recommandation de plusieurs agences gouvernementales, a déployé 600 policiers pour faire évacuer l’île de Boracay.
Sur l’île de Boracay, aux Philippines, le 25 avril 2018, la veille de la fermeture du site. / ERIK DE CASTRO / REUTERS
« Quand vous entrez dans l’eau, ça pue. Et ça pue quoi ? La merde ! » Avec le langage fleuri qui le caractérise, le président philippin, Rodrigo Duterte avait annoncé au mois de février que l’île de Boracay, l’un des fleurons de l’industrie touristique de l’archipel, serait fermée pour six mois aux visiteurs à compter du 26 avril. Qualifiant ce qui fut un paradis « sable blanc-cocotiers » de « cloaque », le chef de l’Etat a pris cette décision coûteuse pour l’économie de son pays sur la recommandation de plusieurs agences gouvernementales. Ce partisan de la manière forte a ordonné le déploiement de 600 policiers pour faire évacuer l’île.
Car, au-delà de la brutalité habituelle des décisions d’un président dont la campagne antidrogue a fait plus de 12 000 morts, selon Human Rights Watch, il y avait urgence à prendre des mesures. Les autorités locales sont accusées d’avoir été incapables de faire respecter les normes de préservation de l’environnement marin et de mettre sur pied un système efficace de collecte des ordures. Elles ont aussi permis aux promoteurs immobiliers de défigurer l’île.
Au moins trois cents hôtels et « resorts » de luxe ont totalement ignoré les réglementations qui les obligeaient à disposer de leur propre système d’égouts et de recyclage des eaux usées. La plupart se contentent d’évacuer ces dernières dans les canaux et l’océan.
Une telle décision, spectaculaire et sans précédent, ne fait pas l’affaire des quelque 36 000 personnes travaillant dans le secteur des loisirs de cette île qui ne vit que par le tourisme. La fermeture provisoire de Boracay devrait coûter quelque 600 millions d’euros.
L’expansion incontrôlée du tourisme de masse est un phénomène régional qui annonce déjà ailleurs de semblables décisions : la célèbre Maya Bay thaïlandaise, rendue célèbre par le tournage du film La Plage, avec Leonardo DiCaprio, va être interdite aux touristes à partir du mois de juin et pour quatre mois, indiquant que les pouvoirs publics commencent à se rendre compte de l’ampleur du problème. « Les îles ont un écosystème fragile qui ne peut tout simplement pas supporter un tel nombre de touristes, la pollution des bateaux et des hôtels construits sur les plages, juge, à Bangkok, l’expert environnemental Thon Thamrongnawasawat. La fermeture est le seul moyen de permettre à la nature de se régénérer. »
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