NDDL : début de normalisation dans une ZAD toujours sous tension
NDDL : début de normalisation dans une ZAD toujours sous tension
Par Rémi Barroux (Notre-Dame-des-Landes, envoyé spécial)
Les quatre agriculteurs historiques, expulsés mais occupants leurs terres, ont signé, mardi, des conventions d’occupation précaires, légalisant leur présence sur les lieux.
La préfète de la Loire-Atlantique Nicole Klein (à droite) aux côtés des quatre agriculteurs historiques qui avaient refusé leur expropriation pour la construction de l’aéroport. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Ce fut comme une éclaircie dans un ciel encore chargé de nuages et dans lequel tourne toujours l’hélicoptère de la gendarmerie qui surveille les opérations de nettoyage en cours dans la ZAD, la zone (toujours) à défendre.
Dans la grande salle qui jouxte la mairie de Notre-Dame-des-Landes, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, ce mardi 24 avril au matin, la préfète de la Loire-Atlantique Nicole Klein a revêtu une veste blanche comme pour mieux souligner le « caractère lumineux » de ce moment, selon ses mots. A ses côtés, les quatre agriculteurs historiques, qui ont refusé leur expropriation et les indemnisations qui leur étaient proposées en échange de leurs terres pour la construction de l’aéroport, viennent de signer des conventions d’occupation précaires (COP).
Des baux précaires pour 310 ha
Occupants illégaux jusque-là, Hervé Bézier, Joë Bizeul, Sylvain Fresneau et Sylvie Thébault disposent dorénavant de baux précaires jusqu’au 31 décembre 2018, pour quelque 310 hectares (ha). Ce qui fait, avec les 600 ha déjà en COP, une surface totale de plus de 900 ha, sur les 1 400 ha de terres agricoles de la zone d’aménagement différé, qui sont désormais exploités dans un cadre légal.
« Ces quatre conventions d’occupation précaire sont une avancée positive pour l’Etat comme pour ces agriculteurs. Il s’agit d’une phase transitoire pendant laquelle la mise en œuvre des rétrocessions va permettre de clarifier la situation foncière. Cette période sera également mise à profit pour élaborer le projet agricole et de territoire, sur la base d’un état des lieux des exploitations en cours et d’un diagnostic agricole et environnemental de la zone », a expliqué Nicole Klein.
Satisfaits et s’étant prêtés à la mise en scène de cette « nouvelle avancée vers le retour à l’Etat de droit », ainsi que l’a caractérisée la préfète – ils ont d’ailleurs exigé que la cérémonie se passe à Notre-Dame-des-Landes et non en préfecture à Nantes –, les quatre agriculteurs n’en ont pas moins exprimé leurs inquiétudes pour la suite des opérations. « Ce n’est pas fini malheureusement, on ne peut relégaliser ce qui a été cassé depuis cinquante ans, il y aura encore des tensions sur la question des terres, il faudra des années pour caler tout ça », estimait ainsi Joël Bizeul.
« Lent retour à la normale »
Regrettant d’être toujours dans une situation « précaire », liée à la nature d’un bail trop court pour gérer une exploitation agricole qui demande des investissements sur le long terme, Sylvie Thébaut estime néanmoins que « chaque jour qui passe marque un lent retour à la normale ». « Sur zone, on espère un retour à une certaine sérénité, avec, petit à petit, le départ des forces de l’ordre dès qu’elles pourront le faire, et j’espère que ce sera le plus rapidement possible », a ajouté celle qui gère 63 ha pour l’élevage de vaches laitières avec Marcel, son mari, dans une ferme au Liminbout, au nord-ouest de la ZAD.
Mais cette signature, symbole fort, ne signifie pas que l’avenir des terres agricoles est réglé. Vingt-huit projets, pour une surface totale de 270 ha, ont été déposés en préfecture, sur quarante et un au total, le reste étant composé notamment de huit projets artisanaux, sept culturels et trois de distribution…
Ce sont les dossiers de régularisation qui étaient demandés par le gouvernement aux habitants de la ZAD, l’ultimatum ayant été fixé au lundi 23 avril à minuit. Faute de quoi, avait prévenu le premier ministre Edouard Philippe, serait engagée une nouvelle opération d’expulsions, telle celle débutée le 9 avril au petit matin, qui s’est soldée par la destruction de vingt-neuf sites et plusieurs jours d’affrontements violents entre des centaines de zadistes et leurs soutiens et quelque 2 500 gendarmes mobiles engagés dans le bocage.
De la place pour tout le monde
Accueillant la remise de ces dossiers par les zadistes comme une avancée positive et « une position très courageuse par rapport à ceux qui ne souhaitent pas que l’apaisement revienne », Nicole Klein a considéré que nombre d’entre eux étaient de bons dossiers. « Certains méritent d’être encore retravaillés, alors on les retravaillera », a déclaré celle qui a toujours privilégié une issue sans violence pour l’avenir de la zone.
« Il y aura de la place à peu près pour tout le monde », estime Nicole Klein, tout en prévenant : « ces déclarations ne créent pas de droit, le processus de régularisation ne fait que commencer. » Les dossiers agricoles vont être étudiés en premier, avec le concours de la direction départementale des territoires et de la mer et, in fine, le 6 juin, se tiendra un comité de pilotage sur l’avenir des terres agricoles.
Nicole Klein doit se rendre à Matignon, mercredi, pour présenter au premier ministre et aux ministres concernés ces dossiers et discuter des questions de sécurité sur la zone. « Ces avancées ne doivent pas faire oublier l’objectif principal du gouvernement qui est le retour à l’Etat de droit à Notre-Dame-des-Landes. (…) Le gouvernement ne renoncera pas à l’engagement qu’il a pris de mettre fin aux occupations illégales, a précisé la préfète. Et il sera ferme pour qu’il n’y ait pas de reconstruction là où il y a eu destruction de sites. »
Sur la zone, toujours occupée par plusieurs centaines de personnes, jeunes pour la plupart, départs et arrivées de soutiens à la ZAD se succèdent. Signe d’une tension toujours vive, et d’un divorce de plus en plus perceptible entre ceux qui veulent construire des projets de vie et ceux qui refusent le retour d’une légalité étatique sur la zone, un commando a détruit, dans la nuit de dimanche à lundi, quatre dépanneuses dans le garage Louis XVI, à Saint-Herblain.
« Trop, c’est trop ! »
« Nous l’amicale Verts Chers, avons attaqué des dépanneuses d’une entreprise collaborant aux expulsions de la ZAD de NDDL », ont revendiqué les auteurs du communiqué mis en ligne sur Internet, faisant ainsi référence au nom de Françoise Verchère, l’une des porte-parole du CeDpa, le collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport, une figure de proue du mouvement anti-aéroport.
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L’action, intitulée « résistance et sabotage, saison 2018 », rappelle les nombreuses actions similaires menées à la suite de l’opération avortée d’évacuation de la ZAD à l’automne 2012. Elle a surtout suscité la colère de toutes les associations (ACIPA, ADECA, Confédération paysanne 44…) de la lutte contre le projet d’aéroport. « Face à cette irresponsabilité, on peut s’interroger sur les objectifs réels de ce groupe », dénoncent-elles dans un communiqué intitulé « Trop c’est trop ! » et publié mardi. « Il est temps d’arrêter cette escalade de la violence – qu’elle soit verbale ou physique – et de revenir à la raison, de réaliser que la lutte contre le projet d’aéroport est terminée, de comprendre que ce qui se joue maintenant c’est la mise en place de solutions innovantes, pacifiques et légales pour un avenir durable sur la zone. »
Sur la zone, malgré un retour relatif au calme, des barricades apparaissent sporadiquement ça et là, entraînant une intervention des gendarmes et de possibles affrontements. Les forces de l’ordre « resteront sur place le temps nécessaire », a prévenu la préfète, pour empêcher toute reconstruction et assurer la circulation sur les routes traversant la zone, toujours pas rouvertes. Réunis en assemblée générale mardi soir, les « usagers de la ZAD » vont devoir clarifier leur position : aller vers une sortie de crise ou jouer la stratégie de la tension. Un projet de lettre aux habitants des communes voisines devait y être discuté pour expliquer les démarches en cours et s’excuser des gênes occasionnées.