Le géant marocain des phosphates OCP récupère sa cargaison saisie en Afrique du Sud
Le géant marocain des phosphates OCP récupère sa cargaison saisie en Afrique du Sud
Le Monde.fr avec AFP
Les indépendantistes sahraouis du Front Polisario avaient porté plainte contre ce transport de 55 000 tonnes de phosphate jugé illégal.
Une usine de phosphate près de Laâyoune, au Sahara occidental. / FADEL SENNA / AFP
L’Office chérifien des phosphates (OCP), géant mondial du secteur, a annoncé mardi 8 mai, par la voix de son directeur juridique Otmane Bennani Smires, avoir « récupéré pour un dollar symbolique » une cargaison de 55 000 tonnes mise aux enchères en Afrique du Sud après sa saisie à la suite d’une plainte du Front Polisario.
L’Afrique du Sud avait arraisonné le 1er mai 2017 un cargo parti de Laâyoune, au Sahara occidental, en direction de la Nouvelle-Zélande, alors qu’il faisait escale à Port Elizabeth (sud-est). Les indépendantistes sahraouis du Front Polisario avaient au préalable porté plainte devant un juge local contre ce transport, illégal selon eux, et obtenu la saisie de la cargaison du Cherry Blossom, battant pavillon des îles Marshall.
Un « acte de piraterie politique »
Un tribunal sud-africain avait ordonné en mars la vente aux enchères du phosphate transporté, décision considérée par l’OCP comme un « acte de piraterie politique ». Selon le directeur juridique du groupe, « aucun acheteur n’a légitimé la vente, ni le titre que la cour [sud-africaine] a octroyé au Polisario ».
Le capitaine du port de Port Elizabeth, Brynn Adamson, a confirmé mardi à l’AFP que « le cargo [avait] quitté le port [lundi] ». « Il semble que personne n’était intéressé par l’achat du phosphate », a ajouté un porte-parole de la société Rennies, chargée du fret à Port Elizabeth. « Le cargo a été autorisé à partir car tous les papiers étaient en ordre. »
La vente judiciaire des 55 000 tonnes de phosphate s’est « soldée par un échec », s’est félicité l’OCP dans un communiqué, en dénonçant la saisie comme une « grave entorse aux principes élémentaires du droit menaçant la liberté du commerce international ». « L’armateur s’est porté acquéreur de la cargaison en s’acquittant des seuls frais de l’adjudicateur judiciaire et l’a restituée à son propriétaire », Phosboucraa, dont l’exploitation se trouve au Sahara occidental, le tout pour un dollar symbolique, a ajouté l’Office chérifien des phosphates, dont Phosboucraa est une filiale.
« Pillage des ressources sahraouies »
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est le dernier territoire africain dont le statut colonial n’a pas été réglé. Il est majoritairement contrôlé par le Maroc, qui propose une autonomie sous sa souveraineté. Le Front Polisario réclame, de son côté, un référendum d’autodétermination, prévu en 1991 lors du cessez-le-feu conclu avec le Maroc, mais qui n’a jamais pu être organisé. Comme l’Algérie ou Cuba, l’Afrique du Sud est un soutien historique du mouvement indépendantiste.
Celui-ci a engagé ces derniers mois plusieurs actions judiciaires pour bloquer l’exportation des ressources du Sahara occidental. Dans un communiqué, il a indiqué mardi qu’il comptait entreprendre des actions similaires dans d’autres pays que l’Afrique du Sud « contre des entreprises qui achètent du phosphate sahraoui ».
Interrogé par l’AFP, Mhamed Khadad, haut responsable du Front Polisario, a estimé que cette affaire était « une mise en garde contre tous ceux qui participent au pillage des ressources sahraouies ». « C’est une victoire politique et juridique », a-t-il jugé.
L’exploitation des phosphates et de ses dérivés, notamment les engrais, est un secteur clé de l’économie marocaine, pesant près du quart des exportations du pays, selon des chiffres officiels. L’OCP a réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de 48,5 milliards de dirhams (environ 4 milliards d’euros), en hausse de 14 % par rapport à 2016.