« Le président Trump croit en l’art de la rupture, en créant des crises pour imposer ses vues. C’est ainsi qu’il opérait dans le monde des affaires, c’est ainsi qu’il a mené sa campagne présidentielle. Il applique, désormais, ce principe à la diplomatie américaine », écrit le « L.A. Times ». / SAUL LOEB / AFP

Et maintenant, que se passe-t-il ? Au lendemain de l’annonce par le président américain, Donald Trump, du retrait pur et simple des Etats-Unis de l’accord conclu en 2015 sur le nucléaire iranien, c’est la question que se posait, mercredi 9 mai, la quasi-totalité de la presse américaine.

Pour USA Today, l’étape suivante pour M. Trump « est de renégocier un meilleur accord avec l’Iran ». Le quotidien populaire s’en tient aux propos tenus par le président mardi :

« Les dirigeants iraniens vont probablement dire qu’ils refusent de négocier un nouvel accord. Je dirais probablement la même chose si j’étais dans leur position. Le fait est qu’ils voudront négocier un nouvel accord. Et quand cela arrivera, je serai prêt. »

Mais bon nombre d’analystes doutent aujourd’hui d’un tel scénario. Rappelant que le locataire de la Maison Blanche « croit en l’art de la rupture, en créant des crises pour imposer ses vues », que « c’est ainsi qu’il opérait dans le monde des affaires, qu’il a mené sa campagne présidentielle », le L.A. Times souligne que si, dans le cas du nucléaire iranien, M. Trump « a prédit que la rupture de l’accord conduirait à un meilleur accord », il « n’a jamais réellement expliqué comment faire pour y parvenir ». « Et c’est le principal défaut dans la décision de Donald Trump », conclut le quotidien de Los Angeles.

« Habile à détruire des accords »

Malgré l’assurance qu’il est « prêt, disposé et apte » à négocier, « M. Trump n’a pas de plan B, à part de continuer à mettre la pression sur l’Iran », assure, pour sa part, le New York Times. Le quotidien rappelle, au passage, que le président a déjà joué la carte de la négociation d’un meilleur accord « lorsqu’il a quitté l’accord climatique de Paris », sans suite. Ce qui le conduit à écrire que le président est surtout « habile à détruire des accords ».

Le Washington Post n’est pas plus tendre dans son analyse. « Mardi, (…) M. Trump avait peu de choses à avancer sur la suite des événements, à part qu’il allait continuer à travailler avec nos alliés [qui s’opposent à sa décision], qu’il y aurait des sanctions économiques contre l’Iran [qui a peu de relations économiques avec les Etats-Unis] et il a menacé l’Iran d’une action militaire pour non-conformité [ce qui serait le “plus gros problème auquel l’Iran n’a jamais été confronté”] », énumère le journal. Qui conclut : « En d’autres termes, il n’a aucune idée. »

« M. Trump croit qu’il peut aiguillonner, cajoler et intimider ses adversaires »

Le Wall Street Journal rappelle que l’approche de M. Trump en matière de politique étrangère n’est pas sans rappeler la stratégie du président Ronald Reagan face à l’Union soviétique dans les années 1980, la décrivant comme « l’empire du mal ». « Aujourd’hui, M. Trump croit qu’il peut aiguillonner, cajoler et intimider ses adversaires, et réussir là où ses prédécesseurs ont échoué », poursuit le journal financier, mettant en avant la nouvelle équipe de sécurité nationale qui s’est constituée autour du président qui ne ménage pas ses efforts pour démanteler l’héritage de l’ancien président Barack Obama.

« Peu importe les résultats. M. Trump se délecte de sa présidence de téléréalité. C’est à cette aune qu’il faut juger sa décision sur l’Iran : le drame pour le drame », poursuit le Washington Post :

« Mais que va-t-il se passer ensuite ? Tout le monde s’en moque. Donald Trump est déjà passé à l’épisode suivant : à la fin de son intervention sur l’Iran, il a annoncé que le secrétaire d’Etat arrivait en Corée du Nord. »

A ce propos, le New York Times parle d’un signal « contre-productif » au moment où M. Trump « se prépare à rencontrer Kim Jong-un, pour le persuader d’abandonner son programme nucléaire ». « Pourquoi les Nord-Coréens devraient-ils soudain croire que les Américains honoreront un accord signé par leur président ? », interroge le quotidien, notant que « si les enjeux avec l’Iran sont élevés, ceux concernant la Corée du Nord le sont encore plus. »

Le confinement plutôt que la guerre

Même sur Fox News, chaîne de télévision réputée proche des idées de M. Trump, on voit poindre quelques doutes. Tout en soulignant que « l’accord [de 2015] a permis [à l’Iran] de se débarrasser des sanctions économiques et de promouvoir ses intérêts [et de devenir] plus agressif », l’un des commentateurs de la chaîne, Harry J. Kazianis, responsable des études sur la défense au Center for the National Interest, un think tank créé par l’ancien président Richard Nixon, considère que « rien dans tout cela ne justifie que les Etats-Unis se lancent dans une guerre contre l’Iran ou essaient de renverser son régime. Cela pourrait coûter des milliards et la vie à de nombreux Américains. »

Pour l’analyste, « l’administration Trump dispose d’une stratégie pour traiter avec les adversaires géopolitiques, en particulier ceux qui veulent se doter d’armes nucléaires. Elle est connue : elle s’appelle le confinement. Cette stratégie, alliée à la dissuasion, a permis de faire face à l’Union soviétique. Cela peut fonctionner pour limiter les ambitions nucléaires et régionales de l’Iran et celles de la Corée du Nord. »