Uber rêve de faire décoller ses taxis volants en 2023
Uber rêve de faire décoller ses taxis volants en 2023
LE MONDE ECONOMIE
La branche Uber Elevate planche sur des appareils électriques à mi-chemin entre drone et hélicoptère. Mais la plate-forme de VTC devra obtenir le feu vert des autorités américaines.
Un prototype d’un taxi volant Uber. / UBER
Quatre passagers, une vitesse comprise entre 240 et 320 kilomètres par heure et des « vertiports » capables de gérer plusieurs centaines de décollages et d’atterrissages par heure. Mardi 8 mai, en ouverture d’une conférence organisée à Los Angeles (Californie), Uber a apporté davantage de détails sur son projet de taxis volants. Et réaffirmé son objectif : lancer un service commercial en 2023. « C’est ambitieux, reconnaît Eric Allison, le responsable de la division Uber Elevate. Mais pas irréaliste. »
Pour tenir ses promesses, la plate-forme américaine de voitures de transport avec chauffeur (VTC) multiplie les initiatives. Elle collabore avec des industriels pour concevoir ces appareils entièrement électriques, à mi-chemin entre des hélicoptères et des drones. Elle développe aussi un nouveau design de batterie lithium-ion. Uber conçoit par ailleurs un système entièrement informatisé de contrôle aérien et un nouvel algorithme pour coordonner taxis volants et voitures.
Mais l’entreprise, qui prévoit de lancer des phases de test en 2020, à Los Angeles, à Dallas et à Dubaï, n’est pas maître du calendrier. Elle devra en effet obtenir le feu vert des autorités américaines. « 2023 est beaucoup trop optimiste », dit un professionnel. Aux Etats-Unis, la Federal Aviation Administration discute déjà avec Uber. Mais son directeur, Dan Elwell, a prévenu, mardi, que le gendarme américain ne ferait « aucune concession sur la sécurité ».
A terme, Uber espère déployer des centaines de véhicules volants dans les grandes agglomérations. Ce réseau, baptisé « Uber Air », doit venir en complément de son service de VTC. Certaines courses incluront ainsi plusieurs étapes : un trajet en voiture pour se rendre au « vertiport » le plus proche, puis le vol avec d’autres passagers, puis un deuxième trajet en voiture vers la destination finale. La société estime pouvoir réduire le temps passé dans les transports et les embouteillages.
Pour fonctionner, le système réclamera une « précision sans précédent », explique M. Allison. Chaque appareil ne restera cloué au sol que cinq minutes pour recharger les batteries, débarquer les passagers et embarquer les suivants. Aux heures de pointe, Uber prévoit plus de 1 000 décollages par heure sur certains « vertiports », qui seront principalement installés sur les toits d’immeubles ou de parking.
Chaque jour, Uber anticipe dix fois plus de trajets aériens dans certaines villes que le nombre de vols d’avions de ligne sur l’ensemble du territoire américain. « Un petit problème pourra avoir un impact important », redoute M. Allison.
Fidèle à sa stratégie, Uber ne jouera qu’un rôle de plate-forme. Le groupe ne construira pas les voitures volantes. Il ne les achètera pas non plus et ne s’occupera pas de leur maintenance. Il ne bâtira et ne gérera pas les « vertiports ». « Aucune entreprise ne peut réaliser seule les investissements pour déployer l’ensemble du système, justifie son responsable. Mais nous garderons un contrôle opérationnel direct. » Uber établira ainsi des contraintes à respecter pour ses partenaires.
Le bruit représente l’un des principaux défis à relever
L’entreprise s’est associée avec cinq groupes aéronautiques, dont le constructeur brésilien d’avions régionaux Embraer et le fabricant américain de drones Aurora, racheté fin 2017 par Boeing. La tâche est complexe. « Nous devons quasiment tout réinventer, souligne Abe Karem, fondateur de Karem Aircraft. C’est peut-être plus facile que la physique nucléaire, mais que très légèrement. » Mardi, Uber a par ailleurs officialisé un partenariat avec l’armée américaine pour développer des rotors plus silencieux.
Le bruit représente en effet l’un des principaux défis à relever. S’il devrait être moins élevé que pour un hélicoptère, le volume sonore au moment du décollage et de l’atterrissage pourrait représenter un frein pour obtenir l’autorisation de voler en milieu urbain. « Il est possible de faire bien mieux », promet M. Allison. « De nouvelles architectures et techniques apparaissent pour réduire cette nuisance », confirme François Chopard, fondateur Starburst, un incubateur de start-up dans le domaine de l’aéronautique.
Autre défi : l’autonomie des batteries et le temps nécessaire pour les recharger. « Il faut autant de puissance pour faire décoller une voiture volante que pour propulser un semi-remorque », souligne Pasquale Romano, directeur général de ChargePoint, une société qui fabrique des stations de recharge. Mais la place est beaucoup plus limitée. « Il n’y a pas en encore eu de progrès majeurs dans les batteries, simplement des améliorations », note M. Chopard. En janvier, Uber a débauché Celina Mikolajczak, une ancienne responsable de Tesla, pour concevoir sa propre batterie. Celle-ci pourra ensuite être utilisée par les fabricants partenaires.
A plus long terme, Uber souhaite rendre ses voitures volantes autonomes. D’abord, parce qu’il n’y a pas « assez de pilotes », explique John Langford, patron d’Aurora. Ensuite, parce que cela doit permettre de réduire les coûts d’exploitation, et ainsi proposer des tarifs plus abordables que l’achat et à l’entretien d’un véhicule personnel. M. Allison espère remplacer les pilotes au cours des dix prochaines années. « Le principal obstacle ne sera pas technologique, mais réglementaire », prédit-il.
Connu pour des tactiques parfois sauvages, Uber assure vouloir procéder par étapes. La société prévoit de lancer son service de taxis volants dans les pays ou villes les moins contraignants. Elle espère ainsi démontrer son impact positif sur le trafic routier et apaiser les craintes sur la sécurité afin de convaincre les plus réticents. M. Allison se dit confiant. « Dans dix ans, Uber Air sera présent dans de nombreuses villes », s’enthousiasme-t-il.