Macron comédien, acte II
Macron comédien, acte II
Par Virginie Malingre
Après « Pierre et le Loup », le chef de l’Etat joue son propre rôle dans « La Traversée », un road-movie de Romain Goupil et Daniel Cohn-Bendit projetté hors compétition au Festival de Cannes.
Emmanuel Macron, en voyage d'Etat aux Etats-Unis, devant les étudiants de l'université de George Washington à Washington DC, mercredi 25 avril. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE
Il aurait pu croiser Cate Blanchett, Martin Scorsese ou Penélope Cruz. Il a préféré Angela Merkel, Mariano Rajoy et Theresa May. Mercredi 16 mai, Emmanuel Macron sera à Sofia, en Bulgarie, pour un sommet de l’Union européenne, quand le Festival de Cannes projettera, en séance spéciale hors compétition, La Traversée, un road-movie dans lequel Romain Goupil et « Dany » Cohn-Bendit partent à la rencontre des Français cinquante ans après Mai 68, et où le président de la République joue son propre rôle.
« Une scène culte », a commenté Daniel Cohn-Bendit. Un tableau de sept minutes qui commence par un gros plan sur l’ancien anarchiste en train de se disputer avec Romain Goupil, attablé dans un bistrot à Francfort. « Tu veux devenir la Mireille Dumas ou la Karine Le Marchand à l’affût d’une confidence ? », lui lance, sarcastique, l’ex-trotskyste alors que son camarade propose d’interroger, pour leur documentaire, Emmanuel Macron à l’Elysée. « Cinquante ans après Mai 68, la seule chose que je ne pourrais pas faire, c’est aller voir le président ? », s’insurge Cohn-Bendit.
« La mise en scène est partout »
Le plan s’élargit, le spectateur voit apparaître un troisième homme. Le chef de l’Etat en chair et en os. « Ce que tu peux faire, c’est le rencontrer dans un café de Francfort. Ce serait pas idiot », suggère ce dernier. « Vous me direz ce que vous avez vu du pays, surtout. Est-ce qu’il a changé depuis 1968 », poursuit Emmanuel Macron, à l’aise devant la caméra.
« Il a tourné dans ce film par amitié pour Cohn-Bendit », explique-t-on à l’Elysée. Les deux hommes, qui se sont rencontrés en juin 2016, lors d’un débat sur l’Europe dans les murs de Sciences Po, aiment à raconter leur coup de foudre amical. Romain Goupil, qui était présent ce jour-là, a aussi succombé au charme de celui qui n’était encore que ministre de l’économie de François Hollande.
Mais, au-delà de son amitié pour les deux compères, le chef de l’Etat s’est fait plaisir, en endossant, pour quelques heures, ces habits d’acteur qu’il affectionne tant. Comme il l’avait déjà fait, le 1er mars, en devenant le « récitant » dans Pierre et le Loup, le conte musical de Prokofiev qu’il a donné à représenter à l’Elysée devant deux cents invités. Plus jeune, c’est avec Brigitte Auzière, celle qui n’était pas encore son épouse mais sa professeure au lycée de La Providence à Amiens, qu’il s’est initié au théâtre. Et c’est un fait, ce goût pour le spectacle ne l’a pas quitté depuis.
Dans ses prestations de président, « la mise en scène est partout », explique le sociologue Jean-Pierre Le Goff dans un entretien au Figaro, le 4 février, « il change rapidement de personnage comme dans une pièce de théâtre où l’acteur principal voudrait jouer tous les rôles et séduire tous les publics, en choisissant les habits et le décor par la même occasion ».
Les deux derniers entretiens que le chef de l’Etat a accordés, à TF1 le 12 avril et à BFM-TV le 15 avril, en témoignent. Dans le premier, il joue au maître d’école, assis dans une classe d’une école primaire de l’Orne, qui fait office de plateau du JT de Jean-Pierre Pernaut. Dans le second, où il affronte les journalistes Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, il a choisi comme scène le Théâtre national de Chaillot, où planent encore les ombres de Vilar, Vitez et Savary. Le show peut continuer.