A Marseille, un campus pluridisciplinaire va réinventer la ville méditerranéenne
A Marseille, un campus pluridisciplinaire va réinventer la ville méditerranéenne
Par Feriel Alouti
L’Institut méditerranéen de la ville et des territoires constituera, à la rentrée 2022, un pôle d’enseignement supérieur et de recherche, trio inédit d’écoles d’urbanisme, de paysagisme et d’architecture.
Le projet de l’Institut méditerranéen de la ville et des territoires à Marseille (Bouches-du-Rhône). | NP2F, Marion Bernard, Point Supreme, Jacques Lucan, Atelier Roberta, DVVD, Alto ingénierie, VPEAS
En 2022, dans le quartier populaire de la porte d’Aix, situé au cœur de Marseille, le regard des badauds s’arrêtera forcément sur cette immense façade blanche et ces grands arbres plantés à l’abri du mistral. A l’intérieur, chaque jour, 1 300 étudiants et 350 enseignants et chercheurs se croiseront, animés par un seul objectif : inventer la ville de demain.
Pour y parvenir, l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Marseille (ENSA-M), l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional (IUAR) de l’université Aix-Marseille – aujourd’hui implanté à Aix-en-Provence – et l’antenne marseillaise de l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles (ENSP) se réuniront, avec leurs laboratoires de recherche respectifs, sous le même toit, celui du futur Institut méditerranéen de la ville et des territoires (IMVT). Une initiative inédite pour ces disciplines qui relèvent chacune d’une tutelle ministérielle différente.
« La culture des architectes, des urbanistes et des paysagistes n’est pas antagoniste mais complémentaire. Les étudiants ont beaucoup à apprendre les uns des autres », estime Jean-Marc Zuretti, directeur de l’ENSA-M depuis 2015. « Il est important que cette proximité et cette confrontation aient lieu car la fabrique de l’espace n’appartient pas intégralement à l’une ou l’autre discipline. Dans la réalité professionnelle de la fabrique de la ville, les acteurs dialoguent sans cesse », rappelle Vincent Piveteau, directeur de l’ENSP.
Si, ailleurs en France, certaines écoles, comme à Lille et Bordeaux, mêlent pendant quelques semaines l’enseignement de l’architecture et celui du paysagisme, c’est la première fois que l’urbanisme s’invite dans l’équation. « Bien que ça puisse paraître surprenant, il faut apprendre à se connaître. Il y a, sur nos disciplines, des idées préconçues et des appréhensions, mais à partir du moment où l’on se retrouve pour échanger, il y a quelque chose qui tient de la méconnaissance et de la crainte qui disparaît », veut croire Emmanuel Matteudi, directeur de l’IUAR.
Pour renforcer les liens, les trois directeurs entendent mettre sur pied des pédagogies interdisciplinaires et collaborer sur des projets de recherche, tout en conservant l’autonomie des disciplines. « Ce n’est pas demain que l’on va former un “architecte-paysagiste-urbaniste” », prévient Vincent Pineteau qui souhaite préserver l’identité des métiers. Chaque directeur va toutefois « essayer d’harmoniser » les calendriers pédagogiques. « Je ne dis pas qu’on va y arriver, mais on va essayer », sourit Jean-Marc Zuretti, qui désire proposer, en collaboration avec ses homologues, des « phases courtes » constituées d’ateliers, en gardant à l’esprit le modèle de l’Alliance Artem, qui rassemble, dans une ancienne caserne militaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle), une école de commerce, une école d’ingénieurs et une école d’art et de design, au sein de l’université de Lorraine et avec le soutien des collectivités publiques régionales.
Multiplier les collaborations
A Marseille, si, jusqu’à présent, l’éloignement géographique entre les formations décourage bien souvent toute ambition collective, avec ce nouvel institut les possibilités de collaboration vont se multiplier. « On peut, par exemple, imaginer des échanges d’enseignants », relève Vincent Piveteau. « Pourquoi pas des passerelles entre les formations ? », propose Emmanuel Matteudi. « En master, on peut imaginer que certains cours soient ouverts aux autres formations », suggère Jean-Marc Zuretti.
Autant d’idées qui doivent désormais être débattues. Les directeurs des trois formations ont, ainsi, commencé à lancer des groupes de travail pour réfléchir au contenu pédagogique, à la manière de se répartir les locaux et à la gouvernance de l’IMVT.
Pour un coût total de 49,7 millions d’euros, dont 52 % sont financés par l’Etat et 40 % par les collectivités locales – 12,1 % pour la Ville, le conseil régional et la métropole et 4 % pour le département des Bouches-du-Rhône –, le futur campus de la porte d’Aix comprendra trois espaces. Un consacré à la recherche et à l’expérimentation numérique, un autre à la formation. Quant au dernier, il réunira la bibliothèque, deux amphithéâtres ainsi qu’un espace forum de 500 m² qui permettra d’accueillir des conférences et des expositions. L’école d’architecture sera, par ailleurs, la seule à présenter un cycle d’études conduisant à un diplôme de licence. Les trois établissements feront se côtoyer leurs étudiants de second cycle (master d’urbanisme, diplôme d’Etat de paysagiste et diplôme d’Etat d’architecte).
L’ingénierie oubliée
L’IMVT a également pour vocation de renforcer la visibilité de chacun des trois établissements pour se positionner ensemble comme un pôle de référence et d’expertise sur la ville et les territoires à l’échelle méditerranéenne. De quoi favoriser l’insertion professionnelle des diplômés, et pourquoi pas « la création de collectifs hybrides », imagine le directeur de l’ENSP.
« Ce dispositif inédit, original, peut booster la visibilité des trois écoles et du coup faire que nos étudiants donnent, à juste titre, l’impression d’être bien formés », prédit pour sa part son collègue de l’IUAR – tout en précisant que de 80 à 100 % des diplômés de l’Institut d’urbanisme qu’il dirige trouvent un emploi dans la première année qui suit la fin de leur formation.
Seul regret, émis par le Syndicat des architectes des Bouches-du-Rhône, le fait que l’école d’ingénierie ne soit pas associée au projet. « On ne sait plus créer, inventer, innover sans les ingénieurs, rappelle Nicolas Salmon-Legagneur, son vice-président. C’est la réalité dans laquelle on évolue et nous regrettons que le domaine universitaire soit un peu lent à créer cette jonction. »