La mode fait l’expérience de la réalité virtuelle
La mode fait l’expérience de la réalité virtuelle
M le magazine du Monde
Défilés immatériels, simulations d’essayage, applis pour découvrir les collections… Luxe et prêt-à-porter se frottent depuis peu aux réalités virtuelle et augmentée. Un passage obligé pour séduire les millénials.
Igor Bastidas pour M Le magazine du Monde
La scène se déroule en avril, lors du Festival international de mode et de photographie de Hyères. La styliste Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix mode de l’édition 2017, s’est associée avec la créatrice digitale Marine Giraudo pour y présenter une performance de réalité virtuelle. Le spectateur est placé au centre d’une pièce vide et invité à revêtir un casque pour les yeux, ainsi que des écouteurs diffusant une musique planante. Il n’a plus qu’à se laisser porter. Plongé dans un univers fantasmagorique, il découvre les créations de la jeune styliste qui prennent vie dans des dimensions étranges ou portées par des mannequins aux proportions irréelles. Les fibres du tissu semblent le happer complètement.
Mondes imaginaires
A mi-chemin entre l’art et la mode, cette expérience s’inscrit parfaitement dans la tendance du moment : faire entrer la mode dans l’ère des nouvelles technologies. Soit dans la réalité virtuelle, qui consiste à placer les utilisateurs au cœur d’un monde imaginaire à l’aide d’un casque, soit dans la réalité augmentée, qui fait apparaître des objets dans l’environnement grâce à un appareil connecté.
D’ici à la fin de l’année, environ 900 millions d’appareils (smartphones, tablettes…) seront compatibles avec la réalité augmentée ou virtuelle dans le monde, selon Tim Merel, directeur de Digi-Capital, entreprise américaine de la Silicon Valley qui se consacre à ces développements. Les marques de mode ne s’y sont donc pas trompées. « Cela permet d’attirer les jeunes générations nées avec un smartphone entre les mains et toujours en quête de nouveautés ludiques. Ce sont elles les cibles privilégiées des marques aujourd’hui », commente édouard Keller, directeur commercial export au sein du bureau de tendances Carlin International, spécialiste des techniques de vente.
Le mois dernier, Balmain a inauguré sa première boutique milanaise, profitant de l’occasion pour offrir à ses clients une expérience en immersion. Ici, chacun est plongé dans l’univers du directeur artistique Olivier Rousteing, qui guide les visiteurs dans les étapes de création d’une collection. Le concept devrait être étendu à plusieurs enseignes de la marque. Le géant espagnol Zara a pour sa part lancé, il y a quelques semaines, une application sur smartphone permettant aux clients de cent vingt boutiques dans le monde de découvrir la collection printemps-été 2018 portée par des mannequins déambulant dans les boutiques ou en vitrine.
Vêtements en projection
Ces technologies sont le plus souvent employées pour simuler des essayages : en magasin, dans une cabine virtuelle projetant les vêtements sur le client, comme l’ont expérimenté les griffes Topshop et H&M, ou à la maison grâce à une application, procédé déjà testé par Converse ou Nike. Le chausseur Berluti, lui, propose un service de personnalisation : grâce à des projections vidéo, les formes, les matières et les couleurs se superposent et permettent de concevoir sa propre paire de chaussures en boutique.
Igor Bastidas pour M Le magazine du Monde
« Le magasin n’a plus la même fonction aujourd’hui, on ne vient plus pour voir les nouveautés puisque tout est accessible en ligne. Il faut donc proposer d’autres services, estime Edouard Keller. Pour autant, on remarque que les essayages virtuels, par exemple, ne sont pas encore très au point. Cela peut vite faire gadget. Mais c’est très bien que des marques s’y intéressent car plus il y aura d’investissements, plus les techniques s’amélioreront. »
Bien négocier le virage qu’imposent les nouvelles avancées technologiques est plus que jamais l’un des enjeux-clés du moment pour les groupes de luxe et les marques de prêt-à-porter. LVMH – propriétaire de Louis Vuitton, Dior, Berluti ou encore Kenzo – remettra d’ailleurs son second prix de l’Innovation à une start-up spécialisée dans ces questions, lors du salon Viva Technology qui se tient à Paris du 24 au 26 mai.