Pas de plan B pour la banlieue
Pas de plan B pour la banlieue
Editorial. Lors de son intervention sur la politique de la ville, mardi 22 mai, il aurait fallu que la démarche alternative esquissée par M. Macron soit assez novatrice pour être convaincante.
Emmanuel Macron et Jean-Louis Borloo, à l’Elysée, mardi 22 mai. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
Editorial du « Monde ». Probablement alerté par la critique de plus en plus récurrente de ses beaux discours, dont on ne constate guère les effets concrets, Emmanuel Macron a donc commencé son intervention sur la politique de la ville, mardi 22 mai, par un contre-pied. « Je ne vais pas faire de discours… », a-t-il annoncé, en préambule, aux élus locaux, responsables associatifs, entrepreneurs et ministres réunis à l’Elysée.
Peut-être aurait-il mieux fait, en l’occurrence, d’en préparer un. Car son propos a suscité plus d’incompréhension et de scepticisme que la « mobilisation » escomptée. Et pour cause. C’est bien le président de la République, en effet, qui a mandaté l’ancien ministre de la ville, Jean-Louis Borloo, pour dresser un état des lieux des banlieues en déshérence et faire des propositions afin de les sortir de l’ornière. Et c’est le même qui, sept mois plus tard, a martelé avec insistance qu’il n’y aurait « pas de plan banlieue ».
Dès lors, l’on ne peut qu’être perplexe : pourquoi avoir commandé un rapport si c’était pour en récuser de façon aussi spectaculaire la démarche et la philosophie ? Qui plus est, l’avoir commandé à un homme dont on connaît à la fois l’expérience du problème et le goût pour les fresques imaginatives, et qui a mis un point d’honneur à réaliser un travail approfondi, associant de nombreux acteurs de terrain.
Certes, le chef de l’Etat ne manque pas d’arguments. Sans parler de sa formule singulière selon laquelle des « mâles blancs » ne seraient pas habilités à se préoccuper des banlieues colorées, c’est un fait que les « plans Marshall » de toutes sortes proclamés depuis des décennies en faveur des villes ou des banlieues n’ont pas permis de trouver le remède au mal-être des quartiers « difficiles ». « Nous sommes au bout de ce que cette méthode a pu produire », a-t-il affirmé.
Des allures de déjà-vu
Dont acte. Encore aurait-il fallu que la démarche alternative esquissée par M. Macron soit assez novatrice pour être convaincante. Ainsi, inventer des solutions avec les intéressés, mobiliser, valoriser et mutualiser énergies et initiatives locales est une ambition qu’ont partagée, depuis belle lurette, tous les responsables de bonne volonté. François Hollande, par exemple, n’avait-il pas décrété, en décembre 2014, qu’il fallait placer l’expertise des habitants « au centre » et accélérer cette « coproduction de la ville » grâce à un « fonds de participation citoyenne » ?
De même, mobiliser les entreprises pour qu’elles contribuent plus activement à faire reculer le chômage et les discriminations dont souffrent les habitants des quartiers défavorisés a également des allures de déjà-vu ou de déjà-entendu. Nicolas Sarkozy en avait fait un cheval de bataille en 2008.
Quant à promouvoir une politique « de dignité et d’émancipation » – plutôt que des politiques de discrimination positive, souvent insidieusement ségrégatives –, c’est un objectif évidemment légitime. A condition de ne pas éluder les constats dressés par maints rapports : les quartiers en difficulté manquent, plus que les autres, de tout ce qui contribue au lien social : services publics, mixité, possibilités individuelles et collectives.
C’était le message central adressé par Jean-Louis Borloo : sans politique de rattrapage vigoureuse – et nécessairement coûteuse –, l’on est condamné à en rester aux vœux pieux. En ignorant cette recommandation, le chef de l’Etat a démontré soit que ce n’est pas sa priorité, soit qu’il n’en a pas les moyens.