« Le reste à charge zéro va se traduire par des cotisations supplémentaires »
« Le reste à charge zéro va se traduire par des cotisations supplémentaires »
Le responsable des études de l’UFC-Que choisir, Mathieu Escot, a répondu aux questions d’internautes sur les annonces d’Emmanuel Macron concernant les offres de lunettes et de prothèses dentaires et auditives.
C’était la mesure phare du programme santé d’Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle. Aujourd’hui critiqué sur son aile gauche pour la faiblesse de son action dans le domaine social, le chef de l’Etat a annoncé, mercredi 13 juin, devant le congrès de la Mutualité française, à Montpellier, la mise en place progressive d’ici au 1er janvier 2021 d’offres de lunettes, de prothèses dentaires et auditives avec un « reste à charge zéro » (RAC zéro), pour lesquelles les patients n’auront rien à débourser. « C’est une conquête sociale essentielle et c’est un investissement que j’assume », a-t-il déclaré.
Aglaé : Bonjour. La vraie question concerne la qualité des lunettes (ou autres) proposées par cette offre. Ainsi, tous les verres optiques ne se valent pas. Si les bons verres sont totalement déremboursés, sous prétexte qu’il existe, pour les plus pauvres, une offre médiocre à coût zéro, où est l’avantage ?
Mathieu Escot : Bonjour, la question de la qualité a été un gros sujet de négociation. L’enjeu était d’arriver à combiner des offres d’une qualité satisfaisante sans que la réforme soit trop coûteuse. L’arbitrage coût/qualité a été âprement discuté, on est arrivés à un compromis acceptable. Les offres sans reste à charge correspondent au produit de milieu de gamme.
Pierre : Bonjour, Je remarque que les offres libres ne seront pas encadrées. N’y a-t-il pas un risque, pour ceux qui choisiront l’offre libre, d’une augmentation très forte des coûts : à la fois due à l’augmentation des cotisations, et d’une offre libre plus chère pour compenser l’offre encadrée ? Si les offres encadrées sont de trop basse qualité, c’est finalement la majorité des assurés qui subira une hausse incontrôlée…
Mathieu Escot : Le risque est bien réel, et a été soulevé dès le début des négociations. Malheureusement, le gouvernement a renoncé à plafonner les prix des audioprothèses hors reste à charge zéro (ce qui était prévu au départ).
Aupi : Mon épouse a une maladie de l’œil dont on n’a pas dit le nom. J’ai des doutes sur le remboursement à 100 % d’une paire de lunettes à sa « non vue ».
Mathieu Escot : Tous les cas de figure ont été intégrés dans l’accord et il est bien prévu que toutes les pathologies, même les moins courantes, soient couvertes par le reste à charge. Votre épouse devrait donc pouvoir en bénéficier.
Broccoli : 100 % remboursés par la Sécu ou par la mutuelle ? (ou autre dispositif nouveau ?)
Mathieu Escot : Le 100 % de remboursement sera atteint en additionnant les remboursements de la Sécurité sociale et des mutuelles. Ce qui veut d’ailleurs dire que les personnes sans complémentaire santé (4 % de la population) n’auront pas accès au reste à charge zéro.
Sam : Pourra-t-on avoir le « forfait reste à charge zéro » en remboursement de base et mettre au bout pour ne pas avoir de couronne métallique par exemple (même si ce n’est pas visible) ?
Mathieu Escot : Un reste à charge « maîtrisé » sera mis en place en plus du reste à charge zéro pour répondre à ces besoins.
Olivier : Bonjour, en dentaire, outre les couronnes, est-ce que cela va concerner les implants, bridges, inlays-cores et appareils mobiles ?
Mathieu Escot : Bonjour, en plus des couronnes, la réforme concernera les inlays-cores, les bridges et les prothèses amovibles.
Soso : Bonjour, et qu’en est-il des bénéficiaires de la CMU ? Reste à charge 0 s’applique à eux aussi ?
Mathieu Escot : Les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire bénéficient du reste à charge zéro. La réforme ne change donc rien à leur prise en charge.
Élodie : Qu’en est-il exactement pour les prothèses dentaires (qualité…) ? En effet, des dentistes se refusent à poser des prothèses en acier estimant que de meilleures alternatives existent va-t-on les y obliger ?
Mathieu Escot : Oui, il sera obligatoire, pour les professionnels de santé, de proposer dans leurs devis une offre sans reste à charge.
Béatrice : Bonjour, des conditions seront-elles nécessaires pour profiter de ce principe ? Je pense notamment aux prothèses dentaires qui coûtent très cher.
Mathieu Escot : Bonjour, la seule condition pour en bénéficier sera d’avoir une complémentaire santé, ce qui est déjà le cas de 96 % de la population.
Emil : Quand on parle de 100 % remboursés pour les lunettes, cela concerne verres + montures ? Comment fixer une limite au prix des montures ? Comment faire en sorte que ce ne soit pas un cadeau fait aux opticiens avec un gonflement artificiel des prix (remboursés par la Sécu donc par nous tous) ?
Mathieu Escot : Oui, la réforme concerne bien la monture et les verres. Dans le cadre des offres sans reste à charge, les opticiens devront proposer des montures à 30 euros maximum. Il faut savoir que nous avons obtenu qu’il soit possible de combiner une monture de votre choix, qui sera à votre charge dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, avec des verres 100 % remboursés.
Omega : Cette mesure est-elle accompagnée de garanties sur les tarifs des mutuelles/complémentaires santé ? Les effets de la mesure peuvent-ils être effacés par une hausse des prix pour les assurés ?
Mathieu Escot : Il n’y a malheureusement aucune garantie que les cotisations n’augmenteront pas. Dans son discours, [mercredi 13 juin matin] à la Mutualité, Emmanuel Macron s’est avancé sur le sujet en disant que les mutuelles n’augmenteraient pas. Une incantation bien peu crédible, d’autant qu’il n’a fait aucune annonce pour renforcer la concurrence entre complémentaires santé, seul moyen de parvenir à un maintien des cotisations.
Darkpizza : Etant donné que tous les gens cotisent à la sécurité sociale, le reste à charge zéro ne sera-t-il pas compensé par une hausse des cotisations ?
Mathieu Escot : Comme nous l’avons évoqué plus tôt, la réforme va peser sur les cotisations de complémentaire santé. Mais vous avez raison, elle va aussi coûter à l’Assurance-maladie. Indirectement, ce sont donc bien les Français qui vont payer cette réforme.
Antoine : Dans l’article on lit « le texte prévoit une revalorisation des tarifs des soins courants (carie, détartrage…) en échange d’un plafonnement des tarifs des prothèses, prévu entre 2020 et 2021 ». Cette revalorisation des actes courants sera-t-elle aussi prise en charge par la Sécurité sociale ou bien le reste à charge augmentera ?
Mathieu Escot : C’est un aspect intéressant de la réforme. Il est demandé aux dentistes de plafonner le prix de certaines prothèses et, en échange, le tarif des soins conservateurs (carie, détartrage…) sera augmenté tout en étant entièrement pris en charge par la Sécurité sociale et les complémentaires. C’est une manière de revaloriser aux yeux des praticiens ces soins préventifs qui permettent d’en éviter de plus lourds par la suite.
Eric : Bonjour, si j’ai bien compris, le « reste à charge zéro » sera pris en charge par les complémentaires. Si le prix des complémentaires augmente, ne revient-on pas à la même situation pour le « consommateur » ?
Mathieu Escot : C’est effectivement le risque de cette réforme. Elle va faire porter de nouveaux remboursements aux complémentaires santé et, il n’y a pas de mystère, cela va se traduire par des cotisations supplémentaires. Pour autant, il y aura bien une forme de mutualisation où tous les assurés payeront un peu plus, pour que ceux qui rencontrent des soins lourds soient mieux remboursés. A l’UFC-Que choisir, nous nous battons auprès du gouvernement pour renforcer la lisibilité et la concurrence dans le secteur des complémentaires, afin de limiter les hausses de cotisation.