Pour le PDG d’Orange, « la consolidation des télécoms est souhaitable »
Pour le PDG d’Orange, « la consolidation des télécoms est souhaitable »
LE MONDE ECONOMIE
Selon Stéphane Richard, invité, mardi, du Club de l’économie du « Monde », le passage de quatre à trois opérateurs est nécessaire pour suivre la course aux investissements.
Stéphane Richard, PDG d’Orange, à Paris, le 24 mai. / CHARLES PLATIAU / REUTERS
Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, souligne la nécessité pour les opérateurs de se diversifier dans les services, mais pas dans les médias, pour retrouver de la croissance.
L’américain AT&T et le groupe de média Time Warner se rapprochent. Cela annonce-t-il des mouvements similaires en Europe ?
La situation américaine est complètement différente. AT&T est dans une démarche défensive, attaqué par son concurrent T-Mobile, très agressif, et par les opérateurs de câble qui ont racheté des chaînes de télévision. En France, l’industrie des contenus est indépendante des opérateurs. Nous signons des partenariats, avec Canal+ comme avec la chaîne BeIN Sports. Nos clients doivent avoir accès aux meilleurs contenus, gratuits ou payants, sur nos box, sans que cela nous coûte trop cher.
Canal+ ne vous intéresse pas ?
Une entreprise ne fait pas un mouvement de cette ampleur parce que c’est esthétique, mais parce qu’il y a une logique économique. Nos investisseurs ne comprendraient pas la logique, et ils n’ont pas tort. En outre, Canal+ fait partie d’un groupe, Vivendi, qui n’a jamais émis l’idée de la vendre.
Comment expliquez-vous que SFR continue de vanter les mérites de la convergence ?
Ils viennent de renoncer à leur opération au Portugal, et n’ont pas été candidats pour l’acquisition des droits du foot. La chaîne sport de SFR va être limitée en termes de contenus. Enfin, on n’entend plus parler de la chaîne cinéma Altice Studio. La grande stratégie de convergence d’Altice a du plomb dans l’aile. De plus, ils ont décidé de constituer un groupe de médias gratuit, qui n’entre pas du tout dans cette approche.
On parle d’un rapprochement entre Bouygues et SFR. Y a-t-il trop d’opérateurs en France ?
Je reste convaincu que la taille du marché français et l’importance des investissements à réaliser dans les années qui viennent, pour terminer le déploiement de la fibre optique et préparer la 5G, rendent difficile la viabilité de quatre opérateurs. Sur le marché américain, de plus de 300 millions d’habitants, deux des quatre opérateurs s’apprêtent à fusionner pour rester à trois opérateurs nationaux. On marche sur la tête en Europe. Le spectacle que l’on donne tous les jours aux Français, avec des promotions ridicules, à des prix qui n’ont aucun sens, n’est pas souhaitable. Deux des quatre opérateurs français [Free et Bouygues Telecom] ne dégagent aucun free cash-flow [flux de trésorerie disponible]. Passer de quatre à trois opérateurs reste souhaitable. Tout dépendra de la capacité des opérateurs à se mettre d’accord. Nous avons essayé il y a deux ans. D’autres discussions vont peut-être démarrer ou se poursuivre. Si on peut y contribuer en facilitant les choses, on le fera.
L’Elysée serait-il favorable à ce genre de mouvement ?
En 2016, Emmanuel Macron n’avait aucun obstacle idéologique par rapport à la consolidation du secteur. Je pense qu’il n’a pas changé de position et que, si la question se pose, il fixera des conditions en termes d’investissement, d’emplois et de prix.
Comment réveiller la croissance d’Orange ?
Notre cœur de métier est de fournir la connectivité. Mais ce métier seul ne peut constituer un chemin de croissance. Or, dans une société qui se numérise, l’interface entre un utilisateur et l’ensemble des applications numériques devient un véritable enjeu. Faut-il laisser l’essentielle gestion de cette interface aux GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon] ? Nous avons envie de jouer dans cette bataille. Cela passe par Djingo, notre assistant vocal, que nous codéveloppons avec Deutsche Telekom et qui arrivera en septembre.
Nous nous déployons aussi dans les services numériques avec la banque sur mobile Orange Bank. Après l’Afrique, l’Europe ira, elle aussi, vers l’utilisation du téléphone mobile comme terminal bancaire et de paiement. Si tout va bien, nous serons rentables au bout de quatre à cinq ans.
A l’international, vous êtes fort en Espagne ; seriez-vous intéressé par le Portugal et l’Italie ?
L’activité de Portugal Telecom, l’opérateur historique, pourrait nous intéresser. Il y aurait une vraie logique à une présence sur l’ensemble de la péninsule Ibérique. Mais, à ma connaissance, cet actif n’est pas à vendre. En revanche, l’Italie me paraît dans une situation trop compliquée aujourd’hui du point de vue politique et macroéconomique. Je ne crois pas aux démarches inamicales dans notre secteur. Ce n’est pas le bon timing pour s’intéresser à ce pays.
La téléphonie mobile 5G va-t-elle arriver vite et à quoi servira-t-elle ?
Elle arrivera vite, mais pas en Europe, dans un premier temps. Elle sera un substitut à la fibre optique, ce qui intéresse les Etats-Unis, mais pas la France, qui déploie massivement la fibre. Le deuxième usage est la connexion de cet immense réseau de capteurs et d’objets connectés qui va pénétrer l’industrie, jusqu’à la voiture autonome ou les actes médicaux à distance. Il y aura des bénéfices pour le grand public, mais l’essentiel sera de trouver de nouveaux modèles économiques, en particulier dans le domaine industriel. Les Etats devront aussi nous proposer les bandes de fréquences nécessaires et nous devrons disposer de terminaux 5G. Il faudra du temps pour que cela devienne une réalité pour tout le monde, probablement vers 2020.