Mark Zuckerberg, le 10 avril. / Andrew Harnik / AP

« My team will get back to you on that » – « mon équipe va revenir vers vous sur ce sujet ». Devant les commissions du Parlement américain, tout comme devant les eurodéputés, le patron de Facebook Mark Zuckerberg a eu recours ce printemps à de nombreuses reprises à cette phrase pour répondre – ou ne pas répondre – à des questions parfois très générales, parfois très précises des élus.

M. Zuckerberg avait été auditionné durant plus de quatre heures par le Congrès après la révélation du scandale Cambridge Analytica. Cette petite entreprise britannique avait récolté des données personnelles sur des millions d’utilisateurs de Facebook à leur insu, en tirant parti des règles très souples du réseau social à l’époque, données soupçonnées d’avoir été utilisées par l’équipe de campagne de Donald Trump.

Devant les députés et les sénateurs américains, le patron de Facebook a utilisé cette réponse à quarante-trois reprises, selon un décompte du magazine Wired, sur des sujets aussi variés que la protection des mineurs, les données collectées sur la navigation des internautes, ou les relations précises entretenues par des employés de Cambridge Analytica avec Facebook.

Plus de 2 000 questions écrites

Sur ce point, Facebook a tenu parole : l’entreprise a envoyé, vendredi 29 juin, un document de près de 750 pages, compilant toutes les réponses de Facebook aux questions des élus américains. « Veuillez noter que nous avons reçu plus de 2 000 questions de la part des membres du Sénat et de la Chambre des représentants, écrit Facebook en préambule. Nous apprécions le temps qui nous a été accordé pour y répondre. »

Facebook : comment Mark Zuckerberg a évité de répondre à certaines questions
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En pratique, les réponses de l’entreprise ne sont pas aussi complètes que ce que la taille du document laisse supposer. Certaines réponses types sont utilisées des dizaines de fois. Ainsi, un paragraphe expliquant que « Facebook n’est pas opposé par principe aux régulations, mais souhaite s’assurer que les régulations sont adaptées » est réutilisé, selon le décompte du Monde, pas moins de 157 fois. Un autre argumentaire défendant les outils de contrôle de la vie privée du réseau social est utilisé, mot pour mot, à 121 reprises.

Au crédit de l’entreprise, députés et sénateurs américains avaient posé à Mark Zuckerberg de nombreuses questions redondantes. Mais le document rendu public n’apporte pas non plus de réponses à certaines questions très précises, sur lesquelles Mark Zuckerberg était resté évasif durant ses auditions. Par exemple, à une question relative à la manière dont fonctionnent les outils automatisés que Facebook développe pour détecter les tentatives d’influence politique sur le réseau social, l’entreprise répond par des chiffres sur le nombre de salariés travaillant sur ces sujets. De même, à plusieurs questions portant sur le temps mis par Facebook pour réagir à l’aspiration des données d’utilisateurs par Cambridge Analytica, le réseau social répond, à 41 reprises, que « l’enquête interne est toujours en cours » et que « les employés de Facebook n’ont pas observé d’utilisation anormale de Facebook [par Cambridge Analytica] durant la campagne électorale de 2016 ».

Les 750 pages du document contiennent cependant quelques réponses très précises. Facebook donne ainsi des chiffres sur l’utilisation de son bouton « j’aime » sur le Web. En avril 2018, « le bouton “j’aime” est apparu sur 8,4 millions de sites Internet, et le bouton partager est apparu sur 931 000 sites Web, pour un total de 275 millions de pages », écrit Facebook. L’utilisation de ces boutons, qui permettent à Facebook de collecter des informations sur la navigation des internautes, avait déjà fait l’objet d’un long message explicatif de l’entreprise en avril. Le document révèle également qu’une soixantaine d’entreprises ont bénéficié d’un passe-droit spécifique pour pouvoir continuer à utiliser pendant quelques mois les outils de Cambridge Analytica pour siphonner des données, avant que ces derniers ne soient définitivement coupés.

Une enquête conjointe de plusieurs agences américaines

Plusieurs agences américaines, dont la Securities and Exchange Commission (SEC, gendarme de la bourse) et la Federal Trade Commission (FTC, régulateur des télécommunications) se sont associés à l’enquête fédérale en cours sur Cambridge Analytica, révèle le Washington Post. L’enquête doit notamment établir si Cambridge Analytica a trompé ses utilisateurs et a commis d’autres délits, mais selon le quotidien américain, les enquêteurs examinent également le rôle joué par Facebook, et ont versé au dossier les réponses apportées par Mark Zuckerberg devant les députés et sénateurs américains.