Rencontre Trump-Poutine : le choix symbolique d’Helsinki
Rencontre Trump-Poutine : le choix symbolique d’Helsinki
Par Marc Semo
Plus de quarante ans après les accords d’Helsinki, le 1er août 1975, le président russe a opté pour la capitale finlandaise pour rencontrer son homologue américain.
Vladimir Poutine et Donald Trump, le 11 novembre 2017 lors d’un sommet de l’APEC à Da Nang, au Vietnam. / Jorge Silva / AP
A vol d’oiseau par-dessus les eaux du golfe de Finlande, moins de 300 kilomètres séparent Helsinki de Saint-Pétersbourg. Vladimir Poutine, qui est né et a mené une bonne partie de sa carrière dans l’ex-Leningrad, vient donc à Helsinki en voisin. Le choix de cette ville pour sa rencontre avec Donald Trump, lundi 16 juillet, est plein de réminiscences fleurant bon la guerre froide. A l’époque, le mot « finlandisation » signifiait, dans le jargon des relations internationales, une neutralité contrainte, voire une quasi-liberté surveillée pour un pays partageant 1 300 kilomètres de frontières avec la défunte Union soviétique. La Finlande est désormais membre de l’Union européenne et elle se rapproche de l’OTAN, inquiète des visées agressives de son puissant voisin, sans pour autant avoir osé jusqu’ici franchir le pas.
Etrange choix de la part de l’homme fort du Kremlin que celui de la capitale finlandaise. En 1990, elle hébergea le dernier sommet américano-soviétique entre George Bush et Mikhail Gorbatchev. Un an plus tard, l’URSS s’effondrait. Ce fut un traumatisme fondateur pour l’ex-officier du KGB qui n’eut de cesse, une fois devenu président, de vouloir rendre son rang à la Russie. « Celui qui ne regrette pas l’URSS n’a pas de cœur », aime-t-il à répéter, tout en précisant que celui qui veut la refaire comme elle était « n’ a pas de cerveau ».
Moment-clé de la guerre froide
La capitale finlandaise est surtout le symbole d’un moment-clé de la guerre froide, avec la signature des accords d’Helsinki, le 1er août 1975, paraphés aussi par Gerald Ford et Leonid Brejnev, à l’issue de deux ans de conférence sur la coopération et la sécurité en Europe réunissant 35 pays. Tous les Européens de l’Ouest et de l’Est à l’exception de l’Albanie – alignée à l’époque sur Pékin – ainsi que les Etats-Unis et le Canada étaient autour de la table et tous signèrent l’Acte final.
« La conférence avait été voulue par les Soviétiques pour entériner le statu quo de la division de l’Europe et les frontières de 1945, mais ils acceptèrent sous la pression des Occidentaux un troisième panier sur les droits de l’homme estimant qu’il n’aurait pas de conséquence. Or, ce fut le début du processus qui entraîna la dislocation du bloc soviétique », relève Thorniké Gordadzé, enseignant à Sciences Po Paris. L’Acte final d’Helsinki devint en effet une base de référence pour les dissidents des pays du glacis qui, malgré les emprisonnements et la dépression, s’engagèrent dans ce combat en rappelant à Moscou ses engagements et sa signature.
Un échec pour Moscou
« Alors comme aujourd’hui, le Kremlin voulait à la fois conforter sa zone d’influence et diviser les Occidentaux », souligne Thorniké Gordadzé. Mais ce fut un échec pour Moscou. Une bonne partie des travaux se polarisèrent sur les questions des frontières, de leur « intangibilité » comme le voulaient les Soviétiques, ou de leur « inviolabilité » comme le souhaitaient les Occidentaux. La différence sémantique est essentielle. Dans le premier cas cela signifiait qu’elles ne pourraient jamais bouger, dans le second que c’était possible à condition que cela se fasse avec l’accord de toutes les parties. Ce fut mot retenu. Cela permit en 1990 la réunification de l’Allemagne. Jusqu’ici, le seul pays signataire qui a remis en cause ce principe est la Russie de Vladimir Poutine qui, au printemps 2014, annexa par la force la Crimée après l’arrivée au pouvoir en Ukraine d’un gouvernement réformiste pro-européen.
A l’époque, en 1975, les Occidentaux avaient su faire bloc. Aujourd’hui, Vladimir Poutine mise sur les divisions entre l’Europe et les Etats-unis attisées par le président américain. L’homme fort du Kremlin n’est pas superstitieux et compte bien faire de la rencontre d’Helsinki un moment de revanche.