« The Affair », une revanche et la morbide torpeur du Sud : trois envies de séries
« The Affair », une revanche et la morbide torpeur du Sud : trois envies de séries
Par Renaud Machart
Chaque mardi, « La Matinale du Monde » vous propose une sélection de séries à (re)découvrir sur petit écran.
LES CHOIX DE LA MATINALE
Debby Ryan, l’actrice principale de « Insatiable ». / NETFLIX
Une adolescente brimée déchaînée par son désir de vengeance, la quatrième saison de The Affair et une journaliste à la dérive qui enquête sur des meurtres de jeunes filles dans son Sud natal sont au programme de notre sélection hebdomadaire.
« Insatiable », la revanche d’une ronde
On serait probablement passé à côté de cette série de Netflix, ajoutée à la mi-août à son catalogue, si une polémique la concernant n’avait attiré notre attention. Insatiable raconte les aventures d’une jeune fille en surpoids qui, pour cause de mâchoire cassée, ne peut s’alimenter comme à l’accoutumée – c’est-à-dire beaucoup et avec force « junk food » – et perd ses kilos en trop.
« Fatty Patty » (traduit par « Patty la truie » dans les sous-titres), dont tout le monde se moquait, devient désirable et courtisée. Déchaînée par son désir de revanche, elle rencontre un avocat dont le hobby est de préparer de jeunes modèles à des concours de beauté, et c’est donc la course effrénée vers une couronne de Miss que narre cette série, au-delà de la revanche d’une ronde.
La polémique ? Insatiable serait « grossophobe », homophobe et, selon d’autres groupes d’activistes, mettrait en doute la validité de la bisexualité (un personnage, qui réunit tous les clichés de l’homosexuel présumé, découvre qu’il est bi, pour finalement se mettre en couple avec un homme). C’est donner beaucoup d’importance, et une audience inespérée, à une série un peu longuette (des épisodes moitié moins longs auraient suffi), carrément vulgaire dans son propos « trashy » mais qui a pour qualité de brocarder et de se moquer avec irrévérence de la bienpensance des minorités LGBTQ et autres, devenues dans certains cas de nouvelles ligues de vertu morale.
« Insatiable », série créée par Lauren Gussis. Avec Debby Ryan, Alyssa Milano, Sarah Colonna, Irene Choi, Dallas Roberts, Christopher Gorham (Etats-Unis., 2018, 12 x 40-53 min.) Netflix à la demande.
Insatiable | Bande-annonce principale [HD] | Netflix
Durée : 01:41
« The Affair », la mort en embuscade
Cette quatrième saison de la série créée par Hagai Levi et Sarah Treem a retrouvé le ton élégiaque et dolent de ses débuts : après deux saisons magnifiques, tournées notamment à Montauk (Etat de New York), sur les rivages de l’océan Atlantique, la troisième avait dérouté le propos et désorienté le spectateur malgré la présence en vedette invitée de l’actrice française Irène Jacob.
Depuis le huitième épisode de cette quatrième saison, qui sera suivie d’une cinquième et dernière, les aficionados se trouveront en deuil d’un personnage attachant qui connaît une fin tragique dans le neuvième épisode, présenté sous deux versions – l’une heureuse, l’autre malheureuse. Mais, en dépit de l’artifice du double point de vue pratiqué par The Affair depuis ses débuts, il n’y a aucun doute quant à la manière dont ce personnage meurt. (On « divulgâchera » à moitié en disant que ce n’est pas celui que la maladie menace.)
On aura aimé la quête du passé de son père disparu à laquelle se livre le personnage de Cole, la transplantation d’une partie des personnages (Helen et Noah) sur la Côte ouest, le tempo lent du récit, mais jamais ennuyeux. Et les sublimes paysages marins toujours hantés par la mort.
« The Affair », saison 4, série créée par Hagai Levi et Sarah Treem. Avec Dominic West, Ruth Wilson, Maura Tierney, Joshua Jackson (Etats-Unis, 2018, 10 x 53-74 min.) Dernier épisode diffusé mardi 21 août à 20 h 50 sur Canal + Séries.
The Affair Season 4 (2018) | Official Trailer | Ruth Wilson & Dominic West SHOWTIME Series
Durée : 01:50
« Sharp Objects », l’étouffante torpeur du Sud
Les spectateurs qui ont vu Amy Adams et Chris Messina, dans Julie and Julia (2009), de Nora Ephron, jouant le petit couple tranquille dont la vie est transformée par un défi gastronomique, les retrouveront, dans la série Sharp Objects, dans des rôles très différents.
Camille Preaker (Amy Adams), journaliste pour le St. Louis Chronicle, alcoolique à la dérive et encline à l’automutilation, est envoyée dans sa petite ville natale provinciale, dans le sud des Etats-Unis, pour couvrir une série de meurtres de jeunes filles. Elle y rencontre un policier, Richard Willis (Chris Messina) avec qui elle va contribuer au progrès de l’enquête tout en retrouvant sa mère, installée dans la maison de maître cossue d’une ancienne plantation, et une jeune demi-sœur qui souffre comme son aînée de l’hystérie douce mais cruelle de leur mère, incarnée avec génie par Patricia Clarkson.
La réalisation de Jean-Marc Vallée (Big Little Lies, 2017) abuse des flashbacks mitraillés, mais le Canadien parvient à recréer l’étouffante, humide et morbide torpeur d’une ville trompeusement tranquille.
« Sharp Objects », série créée par Marti Noxon et réalisée par Jean-Marc Vallée. avec Amy Adams, Patricia Clarkson, Henry Czerny, Elizabeth Perkins, Chris Messina (Etats-Unis, 2018, 8 x 46-59 min.). Dernier épisode diffusé lundi 27 août à 20 h 55 sur OCS City.
Bande annonce de Sharp Objects nouvelle série de HBO
Durée : 01:45