En France, la difficile reconnaissance de la précarité menstruelle
En France, la difficile reconnaissance de la précarité menstruelle
Par Simon Auffret
Deux ans après les débats sur la « taxe tampon », la difficulté d’accès aux protections hygiéniques reste importante pour les associations, qui souhaitent plus de prévention.
L’Ecosse est devenu, vendredi 24 août, le premier pays à mettre à disposition gratuitement des tampons et des serviettes hygiéniques à ses étudiantes. Tous les mois à partir de la rentrée, 395 000 jeunes écossaises pourront se procurer, dans leur établissement scolaire, l’essentiel de leurs protections hygiéniques.
Une réponse apportée à la « précarité menstruelle », l’expression qui désigne les difficultés économiques de nombreuses femmes à se procurer ces produits de première nécessité. Au Royaume-Uni, une jeune femme sur dix ne pourrait y avoir accès, selon une des rares études disponibles sur le sujet – ce qui les oblige à confectionner elles-mêmes leur protection hygiénique.
En France, aucune enquête chiffrée ne permet de saisir l’ampleur de la précarité menstruelle. Si les débats entourant la baisse de la TVA appliquée aux protections hygiéniques – passée de 20 % à 5,5 % le 1er janvier 2016 – ont permis de poser publiquement la question du coût des règles pour les femmes françaises, « peu de choses ont changé sur l’accès aux protections des femmes les plus démunies », constate Elise Thiébaut, auteure du livre Ceci est mon sang, petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font (Editions La Découverte, 2017).
« Il n’y a aucune raison de penser que la situation française est différente qu’en Ecosse en termes de précarité menstruelle », explique-t-elle, estimant les dépenses moyennes pour ces protections à 10 euros par femme et par mois. « Les femmes sans abri sont évidemment touchées, mais nous recevons aussi de nombreux témoignages de jeunes étudiantes sur ce sujet », constate Fanny Godebarge, fondatrice de la plate-forme d’informations sur les règles Cyclique.
Peu d’effets après la baisse de la TVA
Selon plusieurs associations, l’abaissement de la TVA n’a pas eu de conséquences dans le porte-monnaie des Françaises. « Personne n’a observé une amélioration dans les supermarchés, note Elise Thiébaut, la baisse de TVA est passée dans l’augmentation de la marge, des fabricants ou des distributeurs. »
La mise en avant médiatique et politique du sujet a cependant brisé, en partie, le tabou sur les règles : quatre ouvrages sur le sujet sont parus dans l’année suivant l’adoption de la loi, une première. Une mutuelle étudiante propose désormais le remboursement des protections hygiéniques. Par ailleurs, « on trouve désormais des coupes menstruelles facilement dans les magasins, ce qui n’était pas le cas avant », souligne Fanny Godebarge.
Les dispositifs réutilisables, comme les coupes menstruelles ou les serviettes lavables, pourraient rendre plus accessibles les protections hygiéniques ; une coupe menstruelle achetée une quinzaine d’euros peut être utilisée pendant cinq ans. « Il faut faire attention aux conditions d’hygiènes et d’accompagnement : la coupe menstruelle n’est pas du tout adaptée pour les femmes sans abri », prévient toutefois Tara Heuzé, fondatrice de l’association Règles élémentaires.
Faire de la gratuité un principe
Pour tenter de faire face à la précarité menstruelle, cette association basée à Paris aide par exemple à la mise en place de lieux de collectes de protections hygiéniques – environ 150 en France aujourd’hui – pour les distribuer aux femmes dans le besoin, et organise des ateliers d’informations sur les protections hygiéniques. En partenariat avec la plate-forme Cyclique, des journées de sensibilisation sur les menstruations ont eu lieu, tout l’été, lors de l’opération Paris Plages.
Mais la gratuité des protections, comme l’expérimente l’Ecosse, reste un espoir pour ces associations. « C’est une simple question d’équité dans l’accès à des produits dont les femmes ne peuvent se passer », affirme Elise Thiébaut. « La gratuité, pourquoi pas, mais il n’est pas question de donner des tampons pleins de glyphosate à toutes les étudiantes de France, souligne Tara Heuzé, en référence aux études montrant la présence de substances toxiques dans certains produits. Nous souhaitons d’abord un meilleur accès à toutes, et une vraie sensibilisation à l’utilisation des protections hygiéniques. »