Mercato : quand les clubs de football cèdent aux « achats panique »
Mercato : quand les clubs de football cèdent aux « achats panique »
Par Anthony Hernandez
Le marché des transferts, ouvert depuis le 9 juin, sera clos ce soir à minuit. Certains clubs effectuent des achats de dernière minute, qui ne s’avèrent pas toujours opportuns.
L’attaquant Kostas Mitroglou, ici au Vélodrome le 26 août, a été recruté le 31 août 2017 par l’OM. / PHILIPPE LAURENSON / REUTERS
Dans le petit monde du football professionnel, il y a les recrutements pensés et maîtrisés, ceux que l’on annonce avant une Coupe du monde par exemple, ou au cœur du Tour de France, calendrier idéal pour que les nouvelles recrues s’intègrent plus vite et que les supporteurs maintiennent un lien avec leur club préféré pendant l’été. Et puis il y a les achats de dernière minute, faits dans l’urgence, avec une pression démesurée et le risque accentué de faire des erreurs de casting. Les Anglais, dont les clubs sont les grands spécialistes devant l’éternel de cette pratique, lui ont donné un nom : panic buy, ou achat panique.
« L’achat panique est celui réalisé au dernier moment, sans que cela soit préparé, pour répondre à la pression des supporteurs, des sponsors, des médias ou même du staff technique, résume le célèbre agent de joueurs Christophe Hutteau. C’est l’illusion de prendre ce joueur en plus qui va améliorer radicalement les résultats. » A ne pas confondre avec les belles opportunités qui peuvent arriver en fin de mercato – le marché des transferts – lorsque par exemple un footballeur a changé d’avis parce qu’il n’a pas trouvé chaussure à son pied ou qu’un club accepte de prêter un joueur sur lequel il ne compte finalement pas dans l’immédiat.
Alors que le mercato touche à sa fin – ouvert le 9 juin, il sera clos vendredi 31 août à minuit – les clubs de la Ligue 1 française ne sont pas épargnés par ce phénomène du panic buy. « Ce n’est pas commun à tous les clubs, c’est l’apanage de ceux qui bossent mal. Quand vous faites des achats de dernière minute, alors que vous avez des mois pour préparer, c’est que quelque chose ne va pas. Vous devez avoir identifié les profils désirés. Après, ça peut se concrétiser ou non, c’est autre chose », lance Christophe Hutteau.
Lyon dans l’urgence
Cette année, c’est plutôt l’Olympique lyonnais (OL) qui s’est compliqué la tâche. Avec la vente imprévue de son buteur Mariano Diaz, à laquelle le club de Jean-Michel Aulas n’a pas résisté devant l’envie du joueur (raison officielle) ou bien la plus-value (raison officieuse), l’OL se trouve dans l’obligation de trouver un remplaçant.
Les négociations de dernière minute avec le Celtic Glasgow pour le Français Moussa Dembélé sont plus acharnées que prévues et à quelques heures de la clôture du marché, rien n’est encore fait. On parle aussi de deux autres pistes de remplacement : le Colombien Luis Muriel ou le Brésilien Pedro. Cette impréparation conférera à un éventuel transfert d’ici minuit le statut d’« achat panique ».
L’an dernier, l’Olympique de Marseille avait cédé à l’affolement. Le 31 août 2017, alors que le club olympien cherchait depuis des semaines le grand attaquant qui devait remplacer Bafétimbi Gomis, parti en Turquie, l’arrivée in extremis du Grec Kostas Mitroglou avait toutes les saveurs de la panique.
Payé 15 millions d’euros pour seulement 50 % des droits du joueur, avec une possible rallonge de 12,5 millions d’euros pour éviter de devoir reverser la moitié d’un futur transfert au club vendeur (Benfica), l’avant-centre a eu bien du mal à débuter la saison et a longtemps traîné comme un boulet la relative déception qu’avait engendré son recrutement.
La vente imprévue de Mariano a conduit l’OL à chercher un avant-centre en urgence. / JEFF PACHOUD / AFP
Recruter sur CV ou vidéo peut être source d’erreur
A Angers, club qui possède l’avant-dernier budget de Ligue 1 avec 30 millions d’euros, on a cette année anticipé autant que possible le recrutement. Dès le premier jour du mercato, l’attaquant de Strasbourg en fin de contrat, Cédric Bahoken, est arrivé. Le 22 juin, c’était au tour du Stéphanois Vincent Pajot de rejoindre le Maine-et-Loire. Le 16 août, le club sautait sur l’opportunité de faire revenir son ancien joueur, le Sénégalais Cheikh Ndoye, qui s’était perdu à Birmingham.
« Avec le manageur général Olivier Pickeu, on essaie de travailler le recrutement en amont. Parfois, même si on les repère deux à trois mois avant, certains joueurs nous échappent car d’autres clubs plus fortunés font de la surenchère. On se rabat alors sur des choix numéro deux ou trois », explique Axel Lablatinière, responsable du recrutement du SCO.
Après trois journées de championnat, le club angevin s’est toutefois aperçu qu’il était un peu juste au poste d’attaquant. Et Axel Lablatinière a dû chercher un joueur [l’Espagnol Cristian Lopez, ex-joueur du RC Lens] qui devrait signer aujourd’hui in extremis : « Bahoken a été absent deux matchs. Wilfried Kanga a pu jouer attaquant mais on n’avait personne sur le banc. Le coach a demandé à ce que l’on prenne un troisième attaquant. »
Par le passé, Angers n’a pas toujours évité cet écueil. « On se rend compte que dans la précipitation, on ne fait jamais rien de bon. Quand vous recrutez sur un CV ou une vidéo, que vous n’avez pas observé de visu le joueur en match, ça peut être source d’erreur », reconnaît le recruteur.
Encore à la traîne par rapport à leurs concurrents européens, les clubs français ne sont pas tous réputés pour l’efficacité de leur cellule de recrutement, au fonctionnement encore parfois trop souvent archaïque. « Je ne veux pas être donneur de leçon mais les faits me conduisent à constater qu’il y a un problème de compétence au sein des cellules de recrutement en France », juge Christophe Hutteau.
Un avis nuancé par Axel Lablatinière : « Il y a des progrès à faire au niveau des moyens humains et financiers alloués. A Angers, le président est content de nous et depuis mon arrivée, où j’étais seul, la cellule s’est développée. J’ai désormais un adjoint, quatre scouts pour les jeunes et deux superviseurs. »
Parfois, ces « achats panique » ont peu de conséquences. C’est particulièrement vrai lorsque, pour un club, l’argent n’est pas un souci. Il est alors plus facile de faire des paris, quitte à prêter les joueurs qui ne s’intègrent pas, à l’image du fonctionnement des clubs anglais qui ont des effectifs à rallonge. Un éventuel panic buy n’a alors pas grande importance. Cela vaut pour Monaco, qui chaque intersaison recrute à tour de bras.
Cette année, l’ASM a recruté onze nouveaux joueurs en début, au milieu et en fin de mercato. Ce n’est pas non plus le PSG qui contredira ce constat. Les Parisiens sont sur le point de faire signer l’inattendu Camerounais Eric Maxim Choupo-Moting (qui évoluait à Stoke City, club anglais relégué de Premier League).