Le président Donald Trump, à la Maison Blanche, le 5 septembre 2018. / Susan Walsh / AP

Qui a porté un (énième) coup de poignard dans le dos de Donald Trump ? La question agite la presse américaine, jeudi 6 septembre, au lendemain de la publication par le New York Times d’une tribune anonyme d’un haut responsable de son administration, expliquant comment il s’efforçait, avec d’autres, de lutter de l’intérieur contre les « pires penchants » du président américain. L’auteur de ce texte hors du commun, intitulé « Je fais partie de la résistance au sein de l’administration Trump », précise qu’il ne s’agit pas pour lui de soutenir la démarche des démocrates, mais de protéger son pays contre le comportement de son 45e président.

Visiblement furieux contre cette « résistance silencieuse » qui sort de l’ombre et le place en difficulté, le locataire de la Maison Blanche a évoqué dans un tweet lapidaire une « TRAHISON ». La publication controversée de ce témoignage intervient au lendemain de la diffusion d’extraits d’un livre explosif du journaliste d’investigation Bob Woodward, qui dresse le portrait d’un président colérique et paranoïaque que ses collaborateurs s’efforcent de contrôler, voire de contourner, pour éviter de dangereux dérapages.

« Coup lâche »

De nombreux médias, à l’instar du Washington Post, comparent la tribune anonyme à « un cocktail Molotov », dont le contenu « ne cesse de nous surprendre ». La stratégie poursuivie par l’auteur du texte interroge également certains républicains, comme David Frum, un ancien de l’administration de George W. Bush, qui n’hésite pas à évoquer, sur le site du magazine The Atlantic, une « crise institutionnelle ». « L’auteur vient de précipiter le gouvernement des Etats-Unis dans une tourmente encore plus dangereuse, regrette-t-il. Il, ou elle, a décuplé la paranoïa du président et renforcé son obstination. »

The National Review, revue bimensuelle conservatrice mais plutôt hostile à Donald Trump, salue de son côté l’existence de cette tribune : « Les sceptiques de droite expriment leur gratitude aux membres de l’administration qui essaient de minimiser les dégâts et de promouvoir des politiques optimales », résume un éditorialiste. Selon The National Revue, cette tribune doit « inciter les électeurs républicains à réclamer une attitude responsable de la part du président ».

Plusieurs médias, qu’ils penchent d’un côté ou de l’autre du spectre politique, critiquent l’anonymat de cette tribune, évoquant la « lâcheté » de son auteur. Un éditorialiste du périodique intellectuel et culturel The Atlantic évoque ainsi « un coup lâche ».

Le site de la droite dure américaine Breitbart reprend d’ailleurs ces critiques en lâcheté proférées par certains démocrates ; ce qui lui permet de discréditer la lettre ouverte du New York Times sans être accusé de prendre parti pour Donald Trump. « Le cofondateur d’Intercept et lauréat du prix Pulitzer, Glenn Greenwald, a lui-même décrit le haut fonctionnaire de la Maison Blanche comme un “lâche” inconscient », rappelle ainsi le site d’information, pourtant fervent soutien du président et relayeur habituel d’informations exagérées ou mensongères.

« Jeu de devinettes »

Suite à cette tribune, de nombreux médias se sont d’ailleurs lancés dans une « chasse » aux « traîtres » pouvant être à l’origine de cette tribune assassine. « Le jeu de devinettes portant sur l’auteur de cette lettre ouverte risque d’animer les cercles politiques de Washington », avance CNN, qui a dressé une liste de treize personnes potentielles, établie en fonction de « ce que nous savons des différents groupes, des goûts, des aversions, des motivations et des ambitions au sein de l’administration Trump ».

USA Today rapporte que, sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes s’interrogent sur « Whodunit », littéralement « qui a fait ça ? » en argot. « Les détectives en ligne ressortent des phrases et des mots particuliers, dans l’espoir de préciser qui pourrait être l’auteur, tandis que d’anciens fonctionnaires de Trump apportent quelques indices », rapporte le quotidien. « Tout le cercle politique de Washington est devenu un jeu d’indices géant : “Colonel Moutarde, dans la salle du cabinet…” », ironise Eamon Javers, journaliste pour CNBC.

De son côté, le site Vox incite à ne se fier à l’analyse du style de l’auteur de la tribune, rappelant avec pragmatisme que le New York Times a pu « retravailler le texte ». Enfin, le site d’informations politiques Politico dresse un parallèle avec une affaire survenue pendant le second mandat de Barack Obama, lorsqu’un « un responsable de l’administration avait été licencié, après avoir tweeté anonymement des ragots internes ».