A Sanaa, au Yémen. / KHALED ABDULLAH / REUTERS

Trois Français sont actuellement détenus au Yémen, un pays en guerre depuis 2014. Les autorités françaises tentent, depuis plusieurs mois, de trouver une solution pour leur permettre de retrouver la liberté et de quitter une région où s’affrontent des rebelles chiites houthistes, soutenus par l’Iran, et des forces yéménites encadrées, depuis mars 2015, par une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite.

Le cas le plus récent est celui d’Alain Goma, un marin d’une quarantaine d’années, originaire de Béziers (Hérault), qui a été capturé, en juin, après avoir connu des difficultés, en mer Rouge, au large du port d’Hodeïda, le plus important du pays. Alors qu’il naviguait en direction de Bombay, en Inde, il a d’abord été pris en charge par les gardes-côtes avant d’être remis aux autorités houthistes qui contrôlent la zone. Celles-ci le retiennent, depuis, dans une prison de la capitale, Sanaa, dont ils se sont emparés fin 2014.

Selon sa famille, « il est incarcéré, sans raison, dans un pays dont il ne connaît ni la culture ni la langue, dans une minuscule cellule en isolement total, il a maigri, et son moral est au plus bas ». Il semblait peu au fait des événements qui troublent le Yémen depuis quatre ans. Selon nos informations, sa détention se déroulerait dans des conditions correctes même si sa santé nécessite la prise de médicaments, qui lui sont fournis. Il ne s’agirait pas d’une prise d’otage à connotation politique ou financière, comme celles ayant visé les Occidentaux dans la zone irako-syrienne ou afghane.

La situation de deux autres détenus paraît plus complexe. Franco-tunisiens, Mourad Ayad et Taha Al-Issawi ont été arrêtés, les 7 et 8 mai 2014, alors que le pays était encore dirigé par le président, Abd Rabbo Mansour Hadi, exilé, depuis mars 2015, en Arabie saoudite, et alors qu’une vaste offensive avait été lancée contre Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA). Le premier venait de rentrer de France. De l’aéroport de Sanaa, après avoir passé les contrôles de sécurité, il a embarqué sur un second vol à destination de Riyan Moukalla, à 40 kilomètres de Shihr. Arrêté à son arrivée, il a été renvoyé dans la capitale, où il a été emprisonné. Le second se trouvait déjà à Sanaa pour des démarches administratives.

Dans un discours, le 29 avril 2014, le président Hadi avait agité la menace de « l’internationale djihadiste ». Selon lui, « 70 % des éléments d’Al-Qaida au Yémen étaient des étrangers, originaires du Brésil, des Pays-Bas, d’Australie, de France et d’autres pays ».

« Jamais jugés »

Installés légalement au Yémen, en 2007, mariés à des Yéménites, les deux hommes vivaient en famille dans la ville de Shihr, dans l’Hadramaout, où ils fréquentaient l’école Dar-Al-Hadith-As-Salafiya. Dans l’est du Yémen, Shihr, port de pêche ouvert sur la mer d’Arabie, est réputée pour ses centres d’enseignement du salafisme, un courant sunnite qui prône un retour à l’islam des origines. La ville, qui attirait des étrangers du monde entier, hébergeait de 200 à 300 Français, essentiellement des nouveaux convertis.

Incarcérés à Sanaa, ils sont passés entre les mains des houthistes lorsque ces derniers ont conquis la ville. Depuis, selon l’un de leurs avocats, Me William Bourdon, « ils n’ont jamais été accusés et donc jamais jugés, la France a abandonné ses ressortissants alors que les autorités houthistes souhaitent, depuis 2015, les expulser vers Paris. C’est l’expression d’un cynisme d’Etat selon lequel rien ne sera fait pour qu’ils rentrent et tout sera fait pour qu’ils restent ».

Le 19 décembre 2017, le ministère des affaires étrangères français a invité, par courrier, les familles à se rapprocher du « CICR [Comité international de la Croix-Rouge] pour établir le contact avec leur parent ». Ils auraient pu faire partie d’un contingent de prisonniers étrangers libérés et confiés au CICR par les houthistes en décembre 2017. Pour des raisons inconnues, ils sont restés captifs.

La section antiterroriste du parquet de Paris aurait indiqué aux avocats des deux prisonniers qu’ils n’étaient visés par aucune enquête en France. Interrogé sur la situation de ces trois ressortissants français détenus au Yémen, le Quai d’Orsay a, quant à lui, indiqué au Monde qu’il « est informé de la situation de M. Goma ainsi que de deux autres compatriotes présents au Yémen » et a ajouté, « nous nous employons à faciliter leur départ du pays ».