Extrait du film « Allende, an 3 ». / CAPTURE D’ÉCRAN

Histoire, mercredi 12 à 20 h 40 – documentaire

Il ne dure que vingt-cinq minutes, mais ce documentaire belge, datant de 1973, est un grand moment de télévision. Une sorte de leçon d’histoire prise sur le vif, l’année du putsch militaire qui entraîna la chute et la mort brutale de Salvador Allende, président chilien ouvertement marxiste élu en septembre 1970. Josy Dubé a obtenu, pour la télévision publique belge, la dernière ­interview d’Allende. De larges ­extraits de cet entretien sont évidemment insérés dans ce documentaire, mais ce n’est pas son seul intérêt. Dubié a tourné dans les bidonvilles de Santiago comme dans les quartiers plus aisés. Dans des bus désaffectés, aménagés en salles de classe de fortune pour les plus démunis. Dans une immense mine de cuivre (la grande richesse du pays). Mais aussi à Valparaiso, devant des carcasses de camions sabotés.

« Nous ne voulons pas de gouvernement marxiste ! », affirme face caméra le patron d’une entreprise de transport. Dans un quartier de la classe moyenne de Santiago, alors que l’inflation est galopante, les queues se forment pour acheter du pain, et la colère antigouvernementale gronde. D’autres témoins défendent au contraire les bienfaits des nationalisations décidées par le régime.

« Processus révolutionnaire »

C’est là tout l’intérêt du documentaire : montrer un Chili qui, en 1973, est divisé : manifestations d’extrême gauche, attentats d’extrême droite, pénuries alimentaires, transports bloqués…

Les extraits de la dernière interview d’Allende valent le détour. Col roulé clair, veste sombre, voix ­posée, assis devant un cadre verdoyant, le président, qui n’en a plus que pour quelques jours à ­vivre, ne cache pas ses inquiétudes mais affirme quelques certitudes : « Pour la première fois dans notre pays, et peut-être pour la première fois sur notre continent, on a réussi à regrouper, sur la base d’un programme commun, les marxistes et les chrétiens… Nous devons mener à bonne fin un processus révolutionnaire dans le cadre de la démocratie bourgeoise, en respectant le pluralisme, la démocratie et la ­liberté. » Le ton apaisé ne fait pas ­illusion, et Allende évoque clairement les craintes de voir son pays sombrer dans la guerre civile. Comme si, face au journaliste belge, le président chilien savait déjà ce qui l’attendait.

Allende, an 3, de Josy Dubié, réalisé par Gérard Loverius (Bel., 1973, 25 min).