« Je me suis mise au boulot en arrivant en filière professionnelle »
« Je me suis mise au boulot en arrivant en filière professionnelle »
Lisa a arrêté l’école à 15 ans, avant de se réorienter en BEP carrières sanitaires et sociales. Depuis, elle a enchaîné bac pro, BTS, licence pro, et termine son master santé.
Lisa, 25 ans, raconte son itinéraire d’ancienne élève rebelle, qui entre en 5e année d’études supérieures. / La Zep
Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Lisa, 25 ans, étudiante en master à Montpellier.
« Pour trouver sa voie, il n’est jamais trop tard. Il faut se battre pour y arriver. Même si l’on n’aime pas l’école – ce qui a longtemps été mon cas –, les études peuvent finalement être très intéressantes !
Le collège, c’est là que tout a dérapé pour moi. Troubles du comportement ++, je suis la rebelle. Je pousse tous mes camarades à sécher les cours et j’insulte mes professeurs jusqu’à mon premier conseil de discipline en… sixième. A la fin de cette année, évidemment, je redouble. Cela ne fait qu’accentuer ma “rage” de l’école. Je me sens comme emprisonnée dans un système que je ne comprends pas et qui ne m’intéresse pas.
Tout le collège : notes catastrophiques (autour de 5 de moyenne), mois entiers d’absence, conseils de discipline… Lorsque, très rarement, un sujet de cours m’intéresse, je peux avoir d’excellentes notes, jusqu’à 18 parfois. Mais cela reste extrêmement rare, pas plus de deux ou trois fois à l’année. Je n’arrive pas à trouver ne serait-ce qu’une seule matière qui m’intéresse. Alors, à la fin de la quatrième, le collège m’exclut.
Je me retrouve alors dans un village à une heure de bus de chez moi, en troisième DP6. Mon premier pied dans une filière professionnelle. Cette filière, assez méconnue et stigmatisée, est destinée aux élèves difficiles qui refusent l’enseignement traditionnel. Six heures d’enseignement professionnel sont proposées pour alléger les cours classiques, avec en plus un stage en cours d’année. Le but : obtenir le brevet des collèges (adapté, avec des sujets distincts, en adéquation avec les spécificités des classes de troisième préparatoires à l’enseignement professionnels).
Et bien, raté pour moi, le brevet me passe sous le nez. En même temps, je n’ai absolument pas travaillé de l’année, préférant, comme à mon habitude, faire le clown au fond de la classe.
Le fameux déclic
S’ensuit une année sabbatique (je ne sais comment j’arrive à passer entre les mailles du filet, car je n’ai que 15 ans et l’école est encore obligatoire). Je vois mes amis aller à l’école, je vais les chercher, je joue la rebelle qui a arrêté les cours, mais je me pose des questions : que vais-je devenir ? Les journées sont longues et se répètent. Je tourne en rond, je me lève tard… il serait peut-être temps de bouger pour faire quelque chose. A côté de ça, je vois ma mère dépassée. Elle n’y arrive plus avec moi.
Jusqu’au jour où mon petit ami de l’époque me parle de son lycée professionnel. Il fait un BEP carrières sanitaires et sociales (maintenant disparu). Les matières sont intéressantes. De toute façon, il faut bien que j’aie un diplôme ! Au moins pour ma mère, et pour ceux qui m’en pensent incapable, un BEP fera l’affaire. Je suis accepté grâce au piston d’un ancien professeur qui a cru en moi.
C’est le fameux déclic: j’adore les matières professionnelles proposées (biologie, sciences médico-sociales, travaux pratiques…) et mes notes commencent à monter doucement ! Le travail paye ! Moi qui n’ai jamais connu ça, je ressens de la fierté à réussir.
Les matières générales restent compliquées pour moi, vu mon énorme retard. Mes problèmes de comportement continuent aussi. C’est maintenant clair : je n’aime pas l’autorité, mais si je veux continuer les études, il va falloir s’adapter.
BEP avec mention
Après deux ans de travail, j’ai mon BEP avec mention ! Je suis même dans les premières de la classe ! Six ans après, c’est le diplôme qui me procure encore le plus de fierté. Si j’ai réussi à avoir un BEP, pourquoi pas me lancer dans un bac ? Mais pas n’importe quel bac : un bac pro services de proximité et vie locale. Je sais ce que je veux faire maintenant, je veux aider les autres. Je fais d’ailleurs mon stage au sein d’une association qui vient en aide aux personnes toxicomanes.
Grâce à mon BEP, je rentre directement en première. Ces deux années me passionnent. J’apprends énormément aux côtés de profs qui croient en moi. C’est la première fois.
J’ai trouvé ma voie. Je décide alors de continuer, puisque contre toute attente, j’ai des capacités ! J’aime apprendre ces compétences concrètes qu’on trouve seulement dans les filières pros.
Sauf que quand on vient d’un bac pro et que l’on souhaite continuer les études, beaucoup de portes se ferment. Je suis, dans un premier temps, refusée dans le BTS économie sociale et familiale que je convoitais. Pas question pour moi d’abandonner. Je demande un rendez-vous avec les directrices du lycée. J’arrive à négocier une place à condition d’avoir la mention bien au bac. Et c’est le cas !
J’ai su m’adapter
Me voilà maintenant dans la cour des grands, je dois faire des dissertations, des équations, de la physique… Moi qui n’ai pratiquement pas été au collège, la première année est difficile. Mais à force de travail et de détermination, j’y arrive ! Le BTS est dans la poche.
Je continue sur une troisième année de licence en sciences sanitaires et sociales, qui m’ouvre la voie à ce que je considère comme le “Graal” : le master ! En cette rentrée 2018, je débute ma deuxième année de master santé. J’ai aussi été embauchée dans une association qui accueille des jeunes de 16 à 21 ans en rupture familiale souffrant de troubles de la santé mentale. Un travail éprouvant mais qui me conforte chaque jour un peu plus dans mon orientation professionnelle : apporter mon aide aux personnes en difficulté.
Je n’aime toujours pas l’école hein ! Je suis toujours au fond de la classe, mais j’ai su m’adapter. Il n’est pas rare que je manque des cours, mais j’arrive à gérer mon emploi du temps. J’ai toujours de bonnes notes, et surtout ma mère est fière de moi… et moi aussi. Et ça, ça change la vie. »
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La zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans
La zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Par l’intermédiaire d’ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.
Tous leurs récits sont à retrouver sur la-zep.fr, et, pour certains, ci-dessous :