Donald Trump applaudi par son représentant au commerce Robert Lighthizer, lors de l’annonce d’un accord avec  le Canada et le Mexique, le 1er octobre à Washington. / KEVIN LAMARQUE / REUTERS

Editorial du « Monde ». Sitôt élu, Donald Trump avait promis de « déchirer » l’accord de libre-échange nord-américain (Alena), le « pire jamais signé ». Après des mois de menaces, de récriminations, de négociations au forceps, le président des Etats-Unis est parvenu en un temps record à imposer un nouveau texte à ses deux plus proches partenaires économiques. Le Canada est en effet rentré dans le rang en rejoignant, dimanche 30 septembre, le Mexique pour signer un accord, qui ne devrait toutefois pas bouleverser la nature des échanges entre les trois pays.

L’Alena est donc mort, vive son proche cousin, l’USMCA pour « Accord Etats-Unis-Mexique-Canada ». M. Trump prouve une fois de plus qu’il est un homme de marketing. Le changement de nom était une exigence forte de Washington, tout comme la disparition du terme « libre-échange ». Le fait que les Etats-Unis se retrouvent en tête de l’acronyme ne doit, non plus, rien au hasard. En politique, les dénominations sont souvent aussi importantes que les décisions elles-mêmes.

Concernant le fond, l’ancien accord, qualifié par M. Trump de « désastre », n’est finalement amendé qu’à la marge, au grand soulagement des entreprises américaines et des marchés financiers, qui pensent avoir évité le pire. Les nouveautés vont sans doute écorner la compétitivité des entreprises américaines et réduire la visibilité des investisseurs, mais l’intégration des trois économies reste intacte.

Ainsi, pour être exemptée de droits de douane, une voiture devra désormais contenir 75 % de composants fabriqués en Amérique du Nord, au lieu de 62,5 % auparavant. Or, trois véhicules sur quatre répondent déjà à cette exigence. Pour le solde, une modeste taxe de 2,5 % entrera en vigueur, soit, ni plus ni moins, ce qui est appliqué dans le cadre de la clause de la nation la plus favorisée imposée par l’Organisation mondiale du commerce.

Par ailleurs, l’exemption de droits de douane ne sera accordée que si au moins 40 % à 45 % du véhicule est fabriqué par des salariés gagnant un minimum de 16 dollars de l’heure. Le fait que Ford et General Motors s’y résignent montre que l’exigence n’a rien de révolutionnaire.

Un accord politique

Certes, le Canada a été obligé de concéder une libéralisation de ses importations de lait, mais celle-ci était déjà prévue dans le cadre du traité transpacifique (TPP), que M. Trump vouait aux gémonies.

On parle également dans le nouvel accord de mécanismes destinés à empêcher les manipulations de devises pour stimuler les exportations. A quoi bon ? Aucun des trois partenaires n’a utilisé cette arme depuis la signature de l’Alena, en 1994. Enfin, le toilettage opéré sur le numérique et la propriété intellectuelle tient surtout à la nécessité de pallier l’obsolescence de l’ancien traité.

Plus qu’un changement de paradigme sur le plan du libre-échange, il faut regarder l’USMCA comme un accord politique, qui permet à M. Trump de montrer à ses électeurs qu’il tient ses promesses, fût-ce au prix d’avancées modestes sur le fond. De la même façon que le rapprochement signé avec la Corée du Nord ne garantit en rien la dénucléarisation du pays, il est bien difficile à ce stade d’affirmer que cet accord commercial va permettre la réindustrialisation des Etats-Unis.

Néanmoins, c’est une incontestable victoire politique qui intervient à un mois des élections de mi-mandat. Mais, si une majorité démocrate venait à l’emporter, elle serait en situation de donner ou non son feu vert à l’USMCA. Ne doutons pas qu’elle saura, elle aussi, faire de la politique.