Les inégalités femmes-hommes prennent racine dès le plus jeune âge
Les inégalités femmes-hommes prennent racine dès le plus jeune âge
Le Monde.fr avec AFP
Une enquête de l’Unicef réalisée auprès de 26 458 enfants et ados de 6 à 18 ans pointe les discriminations spécifiques dont sont victimes les filles.
A Vertou, dans l’est de la France, en 2017. / LOIC VENANCE / AFP
L’inégalité des sexes s’installe dès l’enfance, avec des filles davantage privées de « lieux de sociabilité amicale et de loisirs » et qui ne se mélangent pas aux garçons dans les cours de récréation, s’alarme l’Unicef France dans une enquête publiée jeudi 8 novembre.
Elles subissent des « discriminations spécifiques » affirme cette étude réalisée auprès de 26 458 enfants et adolescents de 6 à 18 ans, à qui ont été posées 165 questions sur le respect de leurs droits, leur vie quotidienne, leur éducation, leurs loisirs et leur santé.
« Le fait d’habiter dans un quartier populaire ou prioritaire ou encore d’avoir des parents au chômage a un effet plus fort pour les filles que pour les garçons » en termes d’accès aux savoirs à la santé, ou à des lieux de loisirs, estiment les auteurs de l’enquête.
« Ce sont des petites différences, mais le fait qu’elles soient systématiquement plus en défaveur des filles traduit un effet de genre dans la constitution des inégalités que l’on peut donc repérer dès l’enfance. »
« Tenue correcte exigée »
Pour la sociologue et géographe Edith Maruéjouls, spécialiste du genre et auteur de l’étude avec le sociologue Serge Paugam, ces résultats viennent confirmer que « les stéréotypes de sexe et sexisme sont intégrés dès le plus jeune âge », et que « les individus et la société finissent par y consentir ».
Les filles sont certes un peu moins exposées que les garçons au risque de subir « souvent » des moqueries de la part des autres enfants ou adolescents – un phénomène dont se plaignent au total quasiment un tiers des jeunes interrogés, et même la moitié des enfants de 7 ou 8 ans. Mais « elles sont deux fois plus souvent harcelées que les garçons sur Internet, dans les transports en commun ou dans l’espace public »
« Ce harcèlement vécu au quotidien engendre une relégation réelle des filles auxquelles on signifie que leur place n’est pas au-dehors, en tout cas, qu’elles ne sont pas, pour beaucoup d’entre elles, dans un climat bienveillant. »
En outre, les filles subissent davantage de discriminations liées à leur tenue vestimentaire. « La “tenue correcte” exigée chez les filles est un problème récurrent dans les collèges et, de manière générale, dans la société. » C’est une « charge mentale » pour des adolescentes devant éviter à la fois d’être cataloguées comme une « fille qui cherche ça » et de porter une tenue ne correspondant pas « aux critères attendus de la féminité », pointe l’enquête.
Appel aux pouvoirs publics
La différence entre les sexes est également perceptible en ce qui concerne le sentiment homophobe chez les adolescents : seuls 70 % des garçons estiment que l’amour homosexuel est « le même » que l’amour hétérosexuel, alors que ce taux avoisine les 80 % chez les filles.
Une large majorité des enfants et adolescents interrogés estiment que les deux sexes peuvent jouer aux mêmes jeux, cependant on trouve presque deux fois plus de garçons que de filles (11 % contre 6,9 %) à affirmer le contraire.
« Chez les garçons, la première peur c’est d’être traité de fille. Quant aux filles, elles ne jouent pas avec les garçons car elles sont considérées par eux comme disqualifiées, moins bonnes, incapables », résume Edith Maruéjouls. Ainsi, dans les cours de récréation, les filles laissent les garçons occuper l’essentiel de l’espace, pour qu’ils puissent jouer au foot, et restent elles-mêmes à l’écart, observe l’universitaire.
Au-delà des écoles, les auteurs de l’étude constatent que, « à partir de l’entrée au collège, l’accès aux équipements de loisirs devient restreint pour les filles » et qu’elles « deviennent rapidement invisibles dans l’espace public », structuré notamment autour des stades, skate parcs ou autres boulodromes.
Ils appellent en conséquence les pouvoirs publics à « renforcer, diversifier et donner de la place aux activités des filles » dans l’espace public : pour Edith Maruéjouls, il faut « arrêter de construire des équipements dont on sait qu’ils ne créent pas de la mixité. »