Netflix à la demande, documentaire

Le titre du documentaire, The Untold Tales of Armistead Maupin, ces « contes encore non racontés » de l’écrivain nord-américain, fait allusion aux fameux Tales of the City (1978-1998) qui, sous le titre Les Chroniques de San Francisco, ont également touché le public francophone.

Publiées en 1998 par la petite maison d’édition Passage du Marais, elles ont été reprises par les éditions 10/18. Ces livres, qui ont d’abord paru sous forme de feuilleton journalistique, ont également fait l’objet d’une série télévisée en trois saisons (1993-2001) et même d’une… comédie musicale. Netflix a d’ailleurs annoncé la reprise de la série, réalisée par Alan Poul et écrite par Michael Cunningham.

Le personnage d’Anna Madrigal constitue un des premiers exemples transgenres dans le cadre d’une série

La chronique de Barbary Lane – l’adresse haute en couleur où la logeuse, Mme Madrigal, accueille ses jeunes locataires – faisait le portrait de personnages qui s’adonnaient à la drogue et représentaient toute la gamme des dilections ou des orientations sexuelles. Il y était bien sûr aussi question du sida qui, au début des années 1980, ravageait alors la communauté gay.

Anna Madrigal, est-il rappelé, est« transsexuelle », comme on le disait – improprement – alors. Ce personnage, incarné par Olympia Dukakis (qui intervient dans le documentaire), constitue donc l’un des premiers exemples transgenres dans le cadre d’une série, trente ans avant Transparent, créée par Jill Soloway.

Feuilleton journalier

Tout cela n’allait pas forcément de soi : Armistead Maupin était né, en 1944, dans une famille de droite réactionnaire ségrégationniste. Gay dans le placard, engagé volontaire dans la guerre du Vietnam, Maupin avait mis du temps à accepter et à révéler ce qu’il cachait autant qu’il le pouvait.

Comme dans ses Mémoires, Mon autre famille (Editions de l’Olivier, 352 pages, 22 euros), Maupin rappelle avec humour comment il s’honora, à son retour du Vietnam (où il repartit pour une mission humanitaire officielle), de la poignée de main que lui administra Richard Nixon, l’idole de la famille, dans le bureau Ovale.

En 1974, alors qu’il débute mollement comme journaliste et s’identifie désormais comme gay, Maupin signe une chronique dans le Pacific Sun, l’équivalent, pour la Côte ouest, du Village Voice. Puis il est repéré et engagé par le San Francisco Chronicle.

Maupin introduit dans sa chronique des personnages gay, qui lui valent l’agrégation immédiate de l’importante communauté homosexuelle de San Francisco

Le feuilleton journalier qu’il y signe rencontre vite un immense succès auprès du lectorat du grand quotidien californien. Surtout quand Maupin y introduit des personnages gay, qui lui valent l’agrégation immédiate de l’importante communauté homosexuelle de San Francisco.

Détails graveleux

Désormais porte-voix de cette communauté, Maupin se fera aussi surtout connaître par un scoop qui fera grand bruit. Proche pendant un certain temps de l’acteur Rock Hudson, qui jamais n’osa afficher son orientation sexuelle, Maupin décidera de la révéler au moment où l’acteur mourait du sida.

Les Mémoires de Maupin, par ailleurs assez ennuyeux, racontent tout cela, avec leur lot de détails graveleux. Pour mieux connaître Maupin, on suggère de compléter le visionnage du documentaire de Netflix en regardant, sur YouTube, les nombreuses rencontres publiques auxquelles il participa pour la promotion de son livre.

On recommandera aux anglophones celle avec l’acteur Jonathan Groff et, probablement la plus amusante de toutes, celle organisée par le Jewish Community Center of San Francisco. A l’oral, Maupin y est à son meilleur.

The Untold Tales of Armistead Maupin, de Jennifer M. Kroot (EU, 2017, 90 min). www.netflix.com