Le sous-marin argentin « San-Juan » a été retrouvé, pas le « Minerve »
Le sous-marin argentin « San-Juan » a été retrouvé, pas le « Minerve »
Par Nathalie Guibert
La localisation de l’épave du « San-Juan » ravive les revendications des proches des militaires français morts en 1968 dans une tragédie similaire.
Photo de l’épave du « San-Juan », au large de Comodoro Rivadavia (Argentine), le 18 novembre 2018. / HO / AFP
La disparition tragique du sous-marin argentin San-Juan et de ses 44 membres d’équipage, le 15 novembre 2017, a eu un grand écho dans la communauté militaire sous-marine du monde entier. Tout comme le succès, annoncé le 16 novembre, de l’opération américaine menée par la société Ocean Infinity, qui a localisé l’épave. Le San-Juan a implosé sous l’effet de la pression à la suite d’une avarie, et gît par 870 mètres de fond, à 400 kilomètres au large de la Patagonie.
En France, les sous-mariniers se souviennent d’autres drames. Le 27 janvier 1968, le Minerve, un sous-marin d’attaque de 58 mètres à propulsion diesel-électrique de la classe Daphné, a coulé à une vingtaine de kilomètres au large de Toulon au cours d’un exercice. Il pourrait se trouver à 1 000 mètres de profondeur. Evoquant le San-Juan, les familles de ses 52 militaires disparus interpellent la ministre des armées, Florence Parly, à qui elles ont écrit sans obtenir de réponse.
« Les Français ont cherché. » Mais trop peu
« Les Argentins ont retrouvé le San-Juan, après un an de recherches. Nos compatriotes savent-ils qu’un sous-marin de notre marine nationale a aussi disparu et que nous ne cherchons pas, nous, à savoir où il est ? », demandent Christophe Agnus et Hervé Fauve. Le premier est le fils du lieutenant de vaisseau Jean Agnus, l’ingénieur machine du navire, et le second, celui du lieutenant de vaisseau Hervé Fauve, son commandant.
« Les Français ont cherché, bien sûr », disent-ils. Mais trop peu : « Cinq jours au moment de la disparition, deux mois à l’été 1968, treize jours en 1969. Puis le dossier a été consciencieusement classé secret-défense en laissant libre court à toutes les suppositions, tous les doutes, car l’Etat n’a plus parlé aux familles. »
Aujourd’hui, le Minerve est le seul sous-marin militaire du monde dont on ne connaît pas la position parmi ceux qui ont disparu depuis la seconde guerre mondiale. Les familles des morts, précise Christophe Agnus, ne demandent que « le respect ». Emmanuel Macron a bien ouvert les archives en juin, une décision attendue, même si Nicolas Sarkozy avait permis à Christophe Agnus de les consulter seul en 2007. Les familles, cependant, n’y ont rien découvert. Cinquante ans de secret pour n’en trouver aucun, regrettent-elles.
A présent, « les enfants et parents des disparus ont une ultime requête : savoir où est le sous-marin. Pas pour qu’on le sorte de l’eau, ou qu’on explore l’épave à la recherche du pourquoi, juste pour pouvoir faire son deuil en situant sur une carte, en mer, la sépulture de leurs maris, pères, frères ou fils, ces hommes qui ont donné leur vie en travaillant à la défense de leur pays ». La ministre a fait savoir à des élus de Toulon qu’elle souhaitait évaluer les possibilités techniques d’une telle recherche, sans donner d’assurance qu’elle agirait.
En février 1968, pour rendre hommage à ceux du Minerve, le général de Gaulle avait plongé à bord d’un sous-marin de la même classe, l’Eurydice. Qui a disparu en mer au large de Saint-Tropez, lui aussi avec ses 57 marins, en mars 1970, et a été retrouvé. Ce fut le dernier accident de cette gravité pour la sous-marinade française.