La ligne de défense de Carlos Ghosn face à la justice japonaise
La ligne de défense de Carlos Ghosn face à la justice japonaise
Par Philippe Jacqué
Le président déchu de Nissan affirme avoir ignoré que la sous-déclaration de ses revenus payés après retraite était illégale.
Carlos Ghosn, le 6 octobre 2017. / Michel Euler / AP
Sa ligne de défense est désormais claire. Carlos Ghosn, démis de ses fonctions de président de Nissan jeudi 22 novembre, se défend des accusations de sous-déclaration de ses revenus devant le parquet de Tokyo, qui lui vaut sa garde à vue depuis le 19 novembre. Selon le quotidien japonais Asahi Shimbun, Carlos Ghosn a expliqué qu’il n’avait pas déclaré une partie de ses revenus aux autorités boursières, car son conseiller juridique lui avait affirmé que ces revenus, payés après sa retraite, ne devaient pas y figurer.
La somme concernée correspond à environ cinq milliards de yens pendant cinq ans, soit quelque 39 millions d’euros. Entre 2010 et 2015, M. Ghosn a déclaré une rémunération annuelle d’un milliard de yens pour ses fonctions à la tête de Nissan, au lieu de deux milliards de yens, assure le parquet.
« Je n’ai pas pensé que c’était illégal »
« [L’ancien directeur délégué Greg Kelly] m’a dit qu’il n’y avait aucun problème », a-t-il déclaré lors de son interrogatoire, rapportent des sources à l’Asahi Shimbun. « Je n’ai pas pensé que c’était illégal », a-t-il ajouté.
Le parquet juge que les actionnaires auraient dû être informés de la rémunération totale et donc du milliard de rémunération devant être versé après sa retraite. Or, selon M. Ghosn, « le futur paiement [de cette rémunération] n’est pas finalisé ni engageant. Ce n’était donc pas mon devoir de le déclarer. »
Greg Kelly a assuré qu’il avait vérifié auprès de conseils juridiques extérieurs s’il devait ou non déclarer cette rémunération. Selon M. Ghosn, c’est Nissan qui avait imaginé ce paiement différé afin d’éviter tout critique face à l’ampleur de son salaire au Japon.
Nouvelles révélations
En Europe, les sociétés déclarent généralement dans leur document de référence, soumis aux actionnaires, la totalité d’une rémunération, en incluant tous les paiements différés, et notamment les stock-options et la retraite chapeau.
A sa décharge, assure au Monde une source au Japon, « les cadres ne s’occupent pas eux-mêmes de leurs déclarations financières ou fiscales. C’est généralement l’entreprise qui s’en occupe. »
Au-delà de la défense de l’ancien patron de Nissan devant la justice, le quotidien tokyoïte a évoqué de nouvelles révélations d’abus de biens sociaux. Outre l’emploi de sa sœur et la mise à disposition de résidences par Nissan, une nouvelle affaire concernerait M. Ghosn. En 2008, lors de la crise financière, il aurait fait assumer par Nissan quelque 1,7 milliard de yens (13,2 millions d’euros) de pertes sur des investissements personnels.
Le quotidien assure que, lorsque la banque de Carlos Ghosn lui a réclamé davantage de cautions sur des investissements spéculatifs réalisés sur les changes en 2006, le dirigeant a utilisé Nissan comme garant. Le groupe a donc dû absorber ses pertes de 13,2 millions d’euros. Les autorités boursières japonaises ont découvert cet incident lors d’une inspection de routine menée cette année-là, poursuit l’Asahi Shimbun.