« Nanaroscope » : les nanars, ce cinéma où l’art est l’essai
« Nanaroscope » : les nanars, ce cinéma où l’art est l’essai
Par Martine Delahaye
Une saison 2 réussie pour cette série d’Arte qui présente quelques films ratés et hilarants, tournés au premier degré.
En parodiant la formule de Michel Audiard : « Les cons, ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît », on peut dire qu’au nanar rien d’impossible : un nanar, ça ose tout ! Pas de scénario, pas d’acteurs, pas d’argent ? Son créateur s’en arrangera, il a des idées. On l’avait découvert avec la formidable première édition de Nanaroscope, une série documentaire de Régis Brochier sur ces films si mal bricolés, si ratés qu’ils en sont devenus des curiosités. Confondantes et drôles.
Voici que Régis Brochier, cofondateur du site Nanarland, propose une seconde salve. A propos de ces films étranges, tournés au premier degré et involontairement comiques, on peut reprendre la définition qu’en donne François Kahn, auteur de l’Encyclopédie du cinéma ringard (Editions Grancher, 2004), à propos de l’un d’entre eux : « C’est un film bourré d’incohérences, qui échoue à raconter quoi que ce soit, et qui en devient un objet fascinant. »
« Remake » du pauvre
Surfant sur le succès mondial des blockbusters, ou plongeant à corps perdu dans la vague de films de genre en vogue à une époque donnée, les nanars sont souvent réalisés par des cinéphiles qui tournent à leur tour des versions des œuvres qu’ils ont le plus aimées, et sans vouloir les bâcler, rappellent plusieurs des intervenants de cette série (producteurs, réalisateurs, acteurs, critiques). S’ils prêtent à rire plusieurs dizaines d’années plus tard, s’en émane, pour les nanarophiles, une forme de poésie tant leurs concepteurs y ont mis du leur pour faire fi du manque criant de moyens et faire preuve d’ingéniosité.
Régis Brochier excelle ainsi à débusquer les effets très très spéciaux inventés pour créer, à la suite de La Guerre des étoiles, un space opera, sidérant plus que sidéral, à coups de soucoupes volantes en carton et de papier noir percé à l’aiguille pour simuler un ciel étoilé. Il suffit par ailleurs d’une seule image extraite d’un « remake du pauvre » de ET pour vous faire éclater de rire… Ne manquez pas l’épisode 4, sur le remake truqué en Turquie de Superman, condensé drôle et sérieux d’une histoire sociale et cinématographique.
Nanaroscope, saison 2. Série documentaire réalisée par Régis Brochier (Fr., 2018, 10 × 7-9 min). Les deux saisons sont disponibles sur le site d’Arte. www.arte.tv/fr