L’acquittement du « défenseur de Srebrenica » provoque la colère des Serbes de Bosnie
L’acquittement du « défenseur de Srebrenica » provoque la colère des Serbes de Bosnie
Le verdict en faveur de l’ex-colonel musulman suscite la colère de la minorité serbe dans ce pays encore divisé, un quart de siècle après le conflit intercommunautaire qui a fait 100 000 morts.
L’ancien commandant des forces bosniaques de Srebrenica Naser Oric (au centre) entouré de ses partisans à la sortie du tribunal à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, le 30 novembre 2018. / ELVIS BARUKCIC / AFP
Acquittement définitif : le verdict prononcé à Sarajevo vendredi 30 novembre en faveur de Naser Oric, ancien commandant des forces bosniaques de Srebrenica, a provoqué la colère des Serbes de Bosnie. L’ex-colonel était accusé de crimes de guerre.
Naser Oric, 51 ans, et son frère d’armes Sabahudin Muhic, 50 ans, « sont acquittés de l’accusation » d’avoir assassiné trois militaires serbes capturés dans les environs de Srebrenica, dans l’est de la Bosnie-Herzégovine, pendant la guerre de 1992-1995, selon le jugement.
« Je pense que le temps est venu que je me repose un peu. Cette chasse contre moi dure depuis trop longtemps », a commenté dans des médias locaux M. Oric, déjà acquitté en 2008 par la justice internationale, après plusieurs années de détention.
Un pays encore divisé
Héros pour de nombreux Bosniaques musulmans, soit la moitié des habitants du pays, Naser Oric a été soutenu par des partisans qui ont laissé libre cours à leur joie devant le tribunal. Mais les Serbes de Bosnie, qui pèsent pour un tiers de la population, n’ont pas dissimulé leur colère et leur défiance envers les institutions centrales d’un pays qui ne surmonte pas ses divisions, un quart de siècle après un conflit intercommunautaire qui s’est soldé par quelque 100 000 morts et plus de deux millions de déplacés.
Des représentants d’associations de victimes serbes ont quitté le tribunal sans un mot : « Nous avons parlé pendant vingt-six ans et à la fin nous obtenons ça… A partir d’aujourd’hui, on ne parle plus, nous n’avons plus rien à dire », a commenté l’une d’elles, Radojka Filipovic, auprès de l’Agence France-presse (AFP).
Zeljka Cvijanovic, présidente de l’entité des Serbes de Bosnie, la Republika Srpska, a dénoncé un verdict qui « est pratiquement une amnistie pour tous les crimes monstrueux contre des habitants serbes ». « Si ceci est la justice destinée au peuple serbe en Bosnie, il ne faut pas s’étonner qu’ils croient chaque jour un peu moins en un avenir commun en Bosnie », a-t-elle réagi auprès de la chaîne de télévision de sa communauté, la RTRS.
Un porte-parole du principal parti des Serbes de Bosnie (SNSD), Radovan Kovacevic, a promis une « réponse adéquate » de la Republika Srpska. Par le passé, ses responsables, dont beaucoup ne font guère mystère de leurs velléités séparatistes, ont mis en cause la légitimité de la justice centrale bosnienne.
Héros côté bosniaque, criminel côté serbe
Naser Oric est l’un des combattants bosniaques les plus emblématiques de la guerre. Ses troupes ont tenu pendant plus de trois ans le siège imposé à Srebrenica par les forces serbes de Ratko Mladic.
Alors que Naser Oric l’avait quittée pour une réunion du commandement bosniaque à Sarajevo, l’enclave musulmane, pourtant placée sous la protection des Nations unies, était tombée en juillet 1995. En quelques jours, plus de 8 000 hommes et adolescents bosniaques, avaient alors été massacrés par les forces serbes dans les alentours de Srebrenica, plus importante tuerie sur le sol européen depuis la seconde guerre mondiale.
Considéré comme un acte de génocide par la justice internationale, ce massacre a valu une condamnation à perpétuité à Mladic ainsi qu’au propagandiste serbe de l’épuration ethnique, Radovan Karadzic (quarante ans de réclusion).
Mais pour les Serbes, Naser Oric et ses troupes avaient aussi commis des exactions pour vider de leur population serbe des villages du secteur de Srebrenica. Des associations de victimes estiment que 2 428 civils et militaires serbes ont été tués dans cette zone entre 1992 et 1995.