Ballon d’or 2018 : au Grand Palais, faux suspens et vraie révolution
Ballon d’or 2018 : au Grand Palais, faux suspens et vraie révolution
Par Maxime Goldbaum
Le Croate Luka Modric a remporté le Ballon d’or au cours d’une cérémonie organisée à Paris et qui rêvait de mettre un Bleu à l’honneur.
Ada Hegerber et Luka Modric reçoivent le Ballon d’or 2018. / FRANCK FIFE / AFP
« On fait comme si on n’était pas au courant, ok ? ! » Lorsque Bixente Lizarazu se présente devant les journalistes avant le début de la cérémonie du 63e Ballon d’or, tout le monde sait que le Croate Luka Modric sera sacré en fin de soirée. Le podium est éventé depuis deux semaines et le classement complet des trente meilleurs joueurs de football de la planète circule sur les réseaux sociaux depuis la fin d’après-midi. Le joueur du Real Madrid est élu meilleur joueur de l’année devant le Portugais Cristiano Ronaldo et le Français Antoine Griezmann.
Au Grand Palais, où se tient la petite sauterie, tout le monde tente donc de faire comme s’il « ne savait pas ». 120 journalistes de 25 nationalités différentes et 1 500 invités regardent un film dont ils connaissent déjà la fin, pourtant historique, le Croate mettant fin à l’hégémonie de Cristiano Ronaldo et de Leo Messi qui se sont partagé le trophée ces dix dernières années. Mais la déception de ne pas voir un Français récompensé, après le titre mondial conquis par les Bleus en Russie cet été, est palpable.
Griezmann fait bonne figure
Il faut dire que cette cérémonie, organisée à Paris, est tournée vers la France et les champions du monde, qui espéraient tant conclure cette année 2018 avec le Ballon d’or pour l’un des siens. Finalement, Griezmann (3e), Mbappé (4e), Varane (7e), Kanté (11e), et Pogba (15e) se sont contentés des « places d’honneur ». Sans doute le plus déçu, Antoine Griezmann. « Il ne fallait pas être à la maison les deux premiers jours », quand on lui a annoncé qu’il ne remporterait pas le Ballon d’or, a-t-il honnêtement déclaré. Des mois de trophées et de campagne finalement vains. Le joueur de l’Atlético Madrid fait contre mauvaise fortune bon cœur au Grand Palais. Il répond aux questions du maître de cérémonie David Ginola, embrasse la coupe du monde, écoute Vegedream, puis s’éclipse sitôt le gala terminé.
Sans doute le plus floué, Raphaël Varane, seul joueur au monde à avoir remporté la Ligue des champions et la Coupe du monde la même année et seulement 7e du classement, n’a pas fait le déplacement jusqu’à Paris. A l’instar de nombreux joueurs, Messi et Ronaldo les premiers, qui ont également brillé par leur absence sous la voûte majestueuse du Grand Palais.
Ballon d’or féminin et twerk
Kylian Mbappé, acclamé par un petit groupe dès qu’il prend la parole ou apparaît à l’écran, est lui bien présent et semble savourer le moment. Quatrième du Ballon d’or et lauréat du titre Kopa, nouvellement créé, récompensant le meilleur joueur de moins 21 ans, l’attaquant du PSG apprécie « sa progression constante ». Seule ombre au tableau, quand il confesse, gêné aux entournures, qu’il ne connaît pas le DJ Martin Solveig, chargé d’animer la soirée. Et peut-être aurait-il aimé ne jamais le connaître, tant le DJ a multiplié les moments de gêne durant cette cérémonie.
Le musicien de 42 ans s’est particulièrement distingué après la remise du premier Ballon d’or féminin de l’histoire à la Norvégienne Ada Hegerberg, qui évolue à Lyon, en lui demandant si elle savait « twerker ». Silence contrit dans la salle, réponse cinglante de l’intéressée, polémique qui prend vite car retransmise en mondiovision, et tentative de désamorçage après la cérémonie, en zone mixte : « Il est venu me voir après et il s’est excusé. Je n’ai pas vu la situation comme ça, comme les autres. On a dansé un peu, j’ai eu le Ballon d’or, et c’est le plus important pour moi. Je n’ai pas trouvé cela sexiste », a tenté mollement de défendre la joueuse après la cérémonie, sans doute aussi un peu contrite de voir son trophée ombragé par cette polémique. Est-ce qu’on aurait demandé cela à un homme ? « Ça, c’est une bonne question. »
Modric tente d’exister
A la fin de tout ça, entre performances musicales improbables et best-of footballistiques sur fond de musique militaire, un petit homme tente d’exister. Avec 753 points et une avance confortable sur son dauphin, Luka Modric a pourtant été plébiscité par les 192 journalistes qui ont voté pour désigner le meilleur joueur du monde. La victoire du jeu sur les chiffres. Sur scène, il débite des propos convenus – « c’est un vrai honneur de gagner ce trophée. C’est incroyable de succéder à ces deux énormes joueurs, Messi et Ronaldo, et à d’autres très grands joueurs » –, presque gêné de remporter ce trophée devant un public acquis aux Français et qui applaudit timidement le Croate. On lui passe un message de félicitations de la présidente croate et de son père.
Le milieu de terrain du Real Madrid se montre un peu plus prolixe à la fin de cérémonie et rend hommage à Xavi et Iniesta pour lesquels le Ballon d’or s’est injustement dérobé. « 2018, c’est l’année de tous mes rêves », point d’orgue d’une année exceptionnelle où il a raflé sa troisième Ligue des champions de suite avec le Real Madrid, mené la Croatie à la première finale de Coupe du monde de son histoire et mis fin à l’hégémonie de Ronaldo et Messi sur la plus prestigieuse des récompenses individuelles. Une révolution footballistique en plein Paris.