Canal+, mardi 18 décembre à 0 h 50, film

Le quatrième long-métrage de Lynne Ramsay est porté par une promotion qui joue sur une comparaison flatteuse avec Taxi Driver. Prenons le risque de la familiarité en disant qu’il ne faut peut-être pas pousser mémé dans les orties. Si l’épopée vengeresse d’un ancien marine sauvant une adolescente d’un cloaque pédophile où barbotent des politiciens en vue peut, et encore, faire penser au film de Martin Scorsese, et quand bien même elle serait pensée pour favoriser cette réminiscence, comparaison n’est pas raison.

Lire la critique du film (parue lors du Festival de Cannes) : Rivières de sang pour le dessert

Joaquin Phoenix, en dépit de son immense talent, n’a pas le registre tranchant d’un De Niro jeune, l’Ecossaise Lynne Ramsay ne saurait être confondue avec le maître italo-américain de la passion catholique, enfin, l’absence d’ambivalence morale et de clivage schizophrénique du personnage principal rend approximatif le rapprochement.

Le corps et l’action

Joe, tueur à gages incarné par un Phoenix empâté et hirsute, est ici mandaté pour exécuter une mission dont il s’acquitte de manière impavide, un marteau à la main. Peu caractérisé, ce Joe se dessine sur fond d’éclairs rétroactifs traumatisants (son enfance, des scènes de guerre) et de séjours stuporeux chez sa mère, progresse dans un décor dépourvu de vie, selon un argument qui, fors l’abjection qu’il charrie et nonobstant l’actualité qui vient à sa rencontre, tient du pur prétexte. Il est entendu que ce défaut délibéré d’intrigue comme de caractérisation des personnages est compensé par une mise en scène très graphique, destinée à mettre en valeur la performance de Joaquin Phoenix. Cette concentration intense de la mise en scène sur le corps et l’action du personnage principal fait, pour certains amateurs de cinéma de genre, tout le prix du film.

Pour d’autres, qui aiment à ce que le genre s’accommode d’une idée un tant soit peu élaborée du monde et des personnages qui s’y déterminent, cette focalisation stylisée s’exerce à trop bon prix, et aux dépens de tout le reste. Lynne Ramsay y est, en tout cas, fidèle à un motif qui visiblement la hante depuis Ratcatcher en 1999, celui de l’enfance monstrueusement saccagée, en quoi se reconnaissent ici et la victime et son sauveur.

A BEAUTIFUL DAY - Bande-annonce VOST
Durée : 01:56

A Beautiful Day, de Lynne Ramsay. Avec Joaquin Phoenix, Ekaterina Samsonov, Alessandro Nivola (GB/Fr., 2017, 85 min). www.mycanal.fr