Le vice-chancelier autrichien, Heinz-Christian Strache, le 4 décembre, à Vienne. / LEONHARD FOEGER / REUTERS

L’Autriche a annoncé vouloir suspendre la naturalisation des Turcs, après une décision de la Cour constitutionnelle jugeant illégal un programme de déchéance de nationalité. Interrogé par la presse, le vice-chancelier d’extrême droite (FPÖ, parti autrichien de la Liberté), Heinz-Christian Strache, a justifié cette mesure radicale, mardi 18 décembre, par l’absence de coopération d’Ankara, dans le cadre d’une l’enquête visant à vérifier si des milliers de citoyens autrichiens d’origine turque n’avaient pas gardé ou récupéré leur ancienne nationalité, ce qui est strictement interdit.

En faisant cette déclaration, M. Strache réagissait au camouflet infligé par la plus haute juridiction à sa politique visant spécifiquement et uniquement les Autrichiens d’origine turque. Depuis son arrivée au pouvoir, l’exécutif s’est en effet lancé dans une très coûteuse opération de vérification visant à débusquer les binationaux dans cette communauté, l’une des plus importantes, puisqu’elle représente environ 270 000 personnes, pour un pays de 8,7 millions d’habitants. Son enquête a été basée sur une liste de 100 000 personnes figurant dans un fichier fournit par le groupe parlementaire du FPÖ, qui n’en a jamais révélé la provenance.

De nombreux Autrichiens dans une angoisse terrible

Pour l’instant, seule une poignée de fraudes avérées ont été relevées, mais la procédure a placé de nombreux Autrichiens dans une angoisse terrible, car le ministère de l’intérieur exigeait d’eux qu’ils prouvent avoir renoncé à tout lien avec l’état civil de leur pays d’origine, alors que ce dernier refusait de répondre à leurs requêtes. Les relations diplomatiques entre la Turquie et l’Autriche sont exécrables. Vienne ne reconnaît pas la double nationalité.

La Cour constitutionnelle a contesté toute valeur juridique au document du FPÖ, relevé l’inégalité de traitement et l’impossibilité, pour l’exécutif, de faire penser la charge de la preuve sur les intéressés.

Nurten Yilmaz, la responsable des questions d’intégration au sein de l’opposition sociale-démocrate (SPÖ), évoque le soulagement de pans entiers de la population face à la menace de perdre tout ce qu’ils avaient construit dans leur processus d’intégration. « Le FPÖ a délibérément joué avec ce danger », déplore-t-elle, tout comme une porte-parole du parti libéral NEOS, Stephanie Krisper, qui regrette que l’extrême droite tente « d’insécuriser les citoyens autrichiens d’origine turque dans l’objectif de diviser la société ».