QUENTIN HUGON / « LE MONDE »

« Internet est devenu une immense poubelle » : un lieu commun qui pourrait bien être devenu réalité, selon une enquête du site spécialisé Déchets Infos. Sur Leboncoin, premier site de petites annonces en France, certaines personnes proposent en effet de prendre en charge des déchets, parfois dangereux, contre rétribution. Des individus qui n’ont pas toujours les compétences ni les autorisations requises pour traiter de tels déchets, et qui mentent parfois sur leur statut légal en indiquant de faux numéros SIREN – un code unique qui permet d’identifier les entreprises françaises – afin de rassurer le client potentiel.

Selon Déchets Infos, ce manque d’encadrement risque d’être « la porte ouverte à des pratiques pas très recommandables », comme les dépôts de déchets dans des décharges sauvages, qui peuvent entraîner à terme un risque de pollution des sols et des eaux.

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Double tarif pour obtenir la traçabilité

Parmi les étonnantes découvertes de Déchets Infos figure une entreprise corse qui propose l’évacuation de « toutes sortes de déchets » et affiche le numéro SIREN d’une entreprise radiée en octobre 2014. Une autre, située dans les Yvelines, mentionne, elle, un identifiant SIREN appartenant à un débitant de tabac de Limoges… dont l’entreprise a également été radiée il y a quatre ans.

Un mensonge sur l’identité légale de ces entreprises qui laisse craindre que les déchets récupérés ne soient pas envoyés dans le circuit normal de traitement et de recyclage, mais au contraire disséminés dans des décharges sauvages.

Ainsi, Déchets Infos explique que l’un de ces « professionnels » présents sur Leboncoin propose de reprendre de l’amiante – une « fibre tueuse » à l’origine de 10 % à 20 % des cancers du poumon et dont le traitement en tant que déchet est fortement réglementé –, mais réclame le double de son tarif habituel « dès qu’on lui demande une facture ou un bordereau de suivi de déchets amiantés, pourtant obligatoire dès qu’on prend en charge ce type de déchets ».

La responsabilité de l’hébergeur en question

Toutes ces annonces ont été signalées au Boncoin par le site d’information spécialisé. En tant qu’hébergeur, le site de petites annonces a en effet l’obligation, au sens de l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique, de modérer rapidement des annonces illégales signalées par les utilisateurs.

Mais trois semaines après ces signalements, l’annonce corse était toujours en ligne. Les deux autres annonces ont bien été supprimées, mais pas les comptes des entreprises frauduleuses. L’entreprise proposant de reprendre des déchets amiantés avait encore en ligne « une centaine d’annonces rigoureusement identiques à la virgule près », souligne le média spécialisé.

Interrogé par Déchets Infos, Leboncoin affirme que la vérification des numéros SIREN des annonceurs professionnels, par exemple en utilisant les données d’Infogreffe, est « extrêmement compliquée ». Une affirmation surprenante, dans la mesure où le site des greffiers des tribunaux de commerce propose un accès automatique aisé grâce à son API (une interface de programmation permettant de communiquer entre machines) à certaines de ses données depuis mi-2017… dont les objets et les radiations de toutes les entreprises françaises.

Peut-on venir à bout de tout le plastique que nous produisons ?
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