« Un violent désir de bonheur » : l’esprit de révolution
« Un violent désir de bonheur » : l’esprit de révolution
Par Mathieu Macheret
Le jeune cinéaste Clément Schneider fait résonner les révoltes d’hier avec celles d’aujourd’hui.
En 1792, les pensionnaires d’un couvent isolé et épargné par les orages de l’histoire, voient un beau jour débarquer une troupe de révolutionnaires qui réquisitionne les lieux et y établit ses quartiers. Le jeune moine Gabriel (Quentin Dolmaire, découvert en 2015 dans Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin), un bienheureux, accueille avec curiosité cette soudaine intrusion de la nouveauté, prête une oreille circonspecte, mais attentive, aux propos révolutionnaires, et finit par échanger sa soutane contre l’habit militaire. Alors que ses coreligionnaires sont évacués, il obtient de la troupe en partance de demeurer dans l’enceinte du couvent, le seul endroit qu’il ait jamais connu, pour en prendre soin. Une nouvelle existence s’ouvre à lui, agreste et solitaire, mais pourtant pas moins spirituelle que la précédente.
Quiconque attendrait une reconstitution historique en bonne et due forme risque fort d’être décontenancé par la modestie et la primeur du premier long-métrage de Clément Schneider (né en 1989), passé par la sélection de l’ACID au Festival de Cannes. Si Un violent désir de bonheur s’inscrit dans le sillon de la Révolution Française, c’est moins pour illustrer un moment historique, que pour tendre un arc avec le présent, recueillir ce qui, dans l’effervescence politique de l’époque, peut faire écho aux enjeux de la jeunesse d’aujourd’hui, elle-même aux prises avec des grands bouleversements. En voyant passer le train de la Révolution, Gabriel passe sans bouger des usages conventuels gravés dans le marbre à un paradigme entièrement neuf, c’est-à-dire d’un monde au suivant.
Un Eden sans faute ni péché
Or, l’intelligence du film est justement de ne pas opposer schématiquement l’ancien et le nouveau monde, comme deux termes inconciliables, mais de voir l’un comme le possible épanouissement de l’autre. En changeant de vêtement, Gabriel ne remise pas pour autant sa foi chrétienne, qui, débarrassée des dogmes, trouve à se perpétuer, voire à se réaliser, dans les promesses d’égalité, de partage, de sobriété, d’harmonie naturelle, que porte en elle la Révolution. Ainsi la troupe laisse-t-elle le jeune moine en compagnie d’une femme (Grace Seri), nommée Marianne (tout un symbole), avec laquelle il découvre l’amour et s’invente un Eden sans faute ni péché.
Si le film pêche néanmoins, c’est par l’irrésolution de sa mise en scène, encore trop timide pour choisir entre tentatives de stylisation (le monologue final de Marianne récité comme au théâtre) et un régime de fiction traditionnel, qui fait mine de ne pas trop montrer ses coutures. Un violent désir de bonheur n’en est pas moins appréciable pour son originalité, sa finesse et son manque complet d’affectation.
UN VIOLENT DÉSIR DE BONHEUR Bande Annonce (2018) Drame
Durée : 01:17
Film français de Clément Schneider. Avec Quentin Dolmaire, Grace Seri, Franc Bruneau, Vincent Cardona (1 h 15). Sur le Web : www.lesfilmsdargile.fr/un-violent-desir-de-bonheur