Au Kenya, un boutre en plastique recyclé pour sensibiliser à la pollution
Au Kenya, un boutre en plastique recyclé pour sensibiliser à la pollution
Le Monde.fr avec AFP
La coque et la quille du « Flipflopi » ont été recouvertes avec l’équivalent de 30 000 tongs, provenant de 10 tonnes de déchets de plastique.
Le « Flipflopi » en construction. / The Flipflopi Expedition
Avec sa voile triangulaire caractéristique, ce bateau ayant entrepris une expédition le long des côtes est-africaines a presque tout du boutre traditionnel. A un détail près : il a été construit grâce à des déchets de plastique ramassés notamment sur les plages du Kenya. Avec l’objectif de sensibiliser aux effets dévastateurs de la pollution au plastique, le Flipflopi a entamé un périple de 500 kilomètres jeudi 24 janvier à Lamu, au nord de la côte kényane. Il doit atteindre sa destination finale, l’île de Zanzibar, le 6 février.
Seul le mât est en bois. Le reste du bateau, coque et quille en tête, a été construit à l’aide de 10 tonnes de plastique déchiqueté puis moulé. La coque a ensuite été recouverte avec l’équivalent de 30 000 tongs aux couleurs criardes, également ramassées sur les plages, qui ont donné leur nom au bateau (ces sandales sont appelées flipflop en anglais) et lui donne l’aspect d’un patchwork multicolore.
Pollution des mers
« Il ne s’agit pas uniquement de construire des bateaux, c’est un symbole de la deuxième vie qu’on peut donner au plastique », souligne Dipesh Pabari, un Kényan défenseur de l’environnement qui a dirigé le projet. « Il s’agit de montrer que, si ce matériau est génial au point qu’on peut en faire un bateau qui navigue, il est stupide de penser à lui comme quelque chose à usage unique », a ajouté M. Pabari, rencontré à bord du Flipflopi à l’occasion de son escale de vendredi à dimanche à Watamu, à quelque 150 kilomètres au sud de Lamu.
Samedi, pour marquer le passage du bateau, des résidents et écoliers de Watamu avaient arpenté les rues de ce village côtier très apprécié des touristes, pour ramasser les déchets y traînant. Comme de très nombreux pays à travers le monde, où les bouteilles, sacs et pailles en plastique ne sont utilisés qu’une fois avant d’être jetés, le Kenya subit les effets néfastes de la pollution au plastique, qui peut être notamment ingéré par les animaux tels que les tortues.
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), quelque 8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites dans le monde depuis le début des années 1950, dont 60 % se sont retrouvés dans des décharges ou dans la nature. Avec plus de 12 millions de personnes travaillant dans le secteur de la pêche en Afrique, et de nombreux autres dépendant du poisson pour leur alimentation, la pollution des mers, où les plastiques peuvent se décomposer en microdéchets extrêmement nocifs, est une véritable menace pour le continent.
Une construction qui a duré trois ans
James Wakibia, considéré comme à l’origine du mouvement qui a débouché sur l’interdiction des sachets en plastique au Kenya en 2017, était à Watamu pour l’escale du Flipflopi. Avant l’interdiction des sachets plastiques en 2017, « il y avait du plastique partout (…), on aurait dit que c’était une fleur kényane », ironise-t-il. « Maintenant, on voit des bouteilles en plastique, mais on ne voit plus de sachets en plastique ». Selon M. Wakibia, le Flipflopi peut sensibiliser la population à aller plus loin que la simple interdiction des sachets en plastique.
Long de 9 mètres, le Flipflopi a été construit pendant trois ans à Lamu par des constructeurs de boutres traditionnels, en utilisant des techniques simples qui peuvent aisément être reproduites, note Dipesh Pabari. Toutes les personnes ayant participé au projet étaient des bénévoles. Le financement a été assuré par ces derniers, par financement participatif et par de petites donations, avant que le PNUE ne s’implique pour financer l’expédition du Flipflopi.
Dans l’avenir, M. Pabari espère construire un boutre de 20 mètres de long et le faire naviguer jusqu’au Cap, en Afrique du Sud. « Le Flipflopi est la preuve vivante que nous pouvons vivre différemment, a soutenu Joyce Msuya, du PNUE, dans un communiqué. C’est un rappel du besoin urgent de repenser la manière dont nous produisons et utilisons les plastiques à usage unique. »