La première ministre britannique, Theresa May, a essuyé, jeudi 14 février, une défaite embarrassante au Parlement, qui fragilise sa position dans les discussions qu’elle mène avec Bruxelles pour tenter d’obtenir une modification de l’accord de Brexit.

A six semaines de la date prévue pour la sortie de l’Union européenne (UE), les députés ont rejeté – par 303 voix contre 258 –, la motion dans laquelle le gouvernement expliquait comment il souhaitait renégocier l’accord de divorce conclu avec l’UE, qui avait été sèchement recalé lors d’un vote mi-janvier au Parlement britannique.

L’exécutif affirmait dans cette motion poursuivre un double objectif : obtenir des « arrangements alternatifs » au « filet de sécurité », censé maintenir une frontière ouverte sur l’île d’Irlande après le Brexit (backstop en anglais), et écarter le scénario d’un no deal, soit une sortie sans accord redoutée par les milieux d’affaires comme par une partie des députés.

Mais les plus fervents Brexiters au sein du Parti conservateur au pouvoir refusent de voir le gouvernement cautionner l’abandon du scénario du no deal. Ils avaient prévenu de leur intention de s’abstenir si la motion n’était pas reformulée et ont donc fait basculer le vote, au détriment de Theresa May.

« Où est-elle ? »

Si le vote n’a pas de conséquence contraignante pour l’exécutif, il affaiblit la première ministre dans sa tentative de rouvrir les négociations avec Bruxelles : la dirigeante britannique, qui se prévalait jusque-là d’un « mandat clair » des députés pour modifier l’accord, vient de perdre cet appui. Des « où est-elle ? », ont fusé à la Chambre des communes, alors que la chef du gouvernement avait pris soin de ne pas assister à l’annonce des résultats.

« Le vote de ce soir montre qu’il n’y a pas de majorité pour la ligne de conduite de la première ministre », a tonné le leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn. « Le gouvernement ne peut pas continuer à ignorer le Parlement ou à tenter péniblement d’atteindre le 29 mars [la date du Brexit] sans un plan cohérent. »

Jeremy Corbyn, qui a une nouvelle fois accusé l’exécutif de « jouer la montre », a néanmoins lui aussi essuyé une défaite. Son amendement visant à limiter les marges de manœuvre du gouvernement a été rejeté par 322 voix contre 306.

Un autre amendement, soutenu par le parti indépendantiste écossais SNP, exigeant de repousser la date du Brexit, a lui aussi été rejeté, tandis que la députée conservatrice Anna Soubry a retiré, avant le vote, son amendement qui réclamait au gouvernement la publication d’une étude portant sur l’impact économique d’un Brexit sans accord. Elle a annoncé avoir obtenu de l’exécutif la garantie que les documents seraient rendus publics.

Pierre d’achoppement

Engagée depuis deux semaines dans de nouvelles discussions avec l’UE, Theresa May peine à obtenir une réouverture des négociations. Alors que les dirigeants européens se montrent inflexibles, elle a reconnu mardi avoir « besoin de temps » pour trouver une issue. « L’UE à Vingt-Sept attend toujours de Londres des propositions concrètes et réalistes pour sortir de l’impasse sur le Brexit », a déclaré mercredi sur Twitter le président du Conseil européen, Donald Tusk.

La principale pierre d’achoppement demeure la question du filet de sécurité irlandais. Ce dispositif prévoit, en dernier recours, de maintenir le Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE, ainsi qu’un alignement réglementaire sur l’UE plus poussé pour l’Irlande du Nord. Il est rejeté par les Brexiters, aux yeux desquels il empêcherait le pays de rompre les liens avec l’UE et de pouvoir mener une politique commerciale indépendante. Mais les dirigeants européens refusent de le modifier.

Theresa May a exposé trois solutions pour tenter de parvenir à un nouvel accord : instaurer une date limite à l’application du backstop, laisser au Royaume-Uni la possibilité d’y mettre fin unilatéralement ou le remplacer par « des arrangements alternatifs ».

Le gouvernement multiplie les initiatives pour tenter de convaincre les Vingt-Sept. La dirigeante britannique s’est encore entretenue avec les présidents français Emmanuel Macron et roumain Klaus Iohannis mercredi soir. Elle se laisse jusqu’au 26 février pour trouver une issue. Sans nouvel accord à cette date, un nouveau débat sera organisé, le lendemain au Parlement, sur la conduite à tenir.