Chômage : une décrue à confirmer
Chômage : une décrue à confirmer
Editorial. Si l’on peut se réjouir du fait que le taux de chômage soit passé sous la barre des 9 % au quatrième trimestre 2018, ces chiffres appellent néanmoins à la prudence et à la modestie.
Editorial du « Monde ». Voilà dix ans que cela n’était plus arrivé. Le chômage en France est tombé, au quatrième trimestre 2018, à 8,8 % de la population active, une chute substantielle de 0,3 point, selon les statistiques de l’Insee publiées jeudi 14 février. On ne sait quel sentiment doit l’emporter : la satisfaction de repasser sous la barre symbolique des 9 % ou bien le découragement face au constat qu’il aura fallu une décennie pour retrouver le niveau d’avant la crise financière. La courbe du chômage a effectivement fini par s’inverser, mais la performance n’a rien d’un exploit : rappelons que le taux de chômage moyen de la zone euro, lui, est tombé sous les 8 %.
N’empêche, les chiffres sont encourageants, et il convient de le souligner. D’abord, le taux de chômage des 15-24 ans, qui baisse nettement, à 18,8 %, soit six points de moins par rapport au pic de 2016. Deuxième bonne nouvelle : le taux d’emploi des 15-64 ans n’a jamais été aussi élevé depuis 1980, avec 66,1 % de la population. Enfin, la précarité recule : le nombre de contrats à durée indéterminée progresse, tandis que les personnes à temps complet n’ont jamais été aussi nombreuses depuis 2003.
Ces chiffres viennent confirmer la tendance molle qui est à l’œuvre ces derniers mois : une décrue lente et irrégulière, qui appelle prudence et modestie. Prudence, parce que les données sont fluctuantes. Fin 2017, on avait déjà cru à une baisse significative et prometteuse, qui avait été quasiment effacée le trimestre suivant. Certes, les chiffres de la fin de 2018 constituent une heureuse surprise, alors qu’on nous promettait le pire entre le net ralentissement de la croissance et la crise des « gilets jaunes ». Mais il ne faut pas se réjouir trop vite.
D’abord, ce n’est qu’au dernier « acte » que l’on pourra évaluer le coût réel des blocages et des dégradations auxquels on assiste samedi après samedi. Ensuite, il serait naïf de miser sur la conjoncture pour espérer la poursuite de la baisse du chômage. Un rapide coup d’œil sur la situation de nos principaux partenaires commerciaux nous remet les pieds sur terre. L’Italie est de nouveau entrée en récession, l’Allemagne y a échappé de peu, quant au Royaume-Uni, le ralentissement est déjà là, alors qu’on ne sait toujours pas comment le Brexit va tourner.
Difficulté à recruter
La lutte contre le chômage appelle aussi de la modestie. Au-delà de quelques indicateurs encourageants, on prend surtout conscience de la complexité de la situation. Comment, dans un pays où il y a près de 9 % de chômeurs, les entreprises peuvent-elles avoir autant de difficultés à recruter ? Par ailleurs, la fluctuation de la courbe de l’emploi aura toujours du mal à rendre compte des dégâts sociaux générés par des années de chômage de masse. Il ne faut pas imaginer qu’on va réinsérer 1,4 million de personnes sans emploi depuis plus de deux ans simplement grâce à une plus grande flexibilité du travail et des carnets de commandes qui se remplissent. Le gouvernement l’a bien compris, en consacrant 15 milliards d’euros pour rehausser le niveau des compétences des personnes les plus éloignées de l’emploi. De là à affirmer que « personne n’est inemployable », c’est faire preuve de beaucoup d’optimisme.
Optimiste, Emmanuel Macron l’a été lorsque au début de son quinquennat il s’est fixé l’objectif de revenir à 7 % de chômage à la fin de son mandat. Le président de la République est encore dans les temps. Mais qui aurait dit que la France mettrait dix ans pour retrouver son niveau d’avant-crise ?