Au terme de près de sept mois de travaux, la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla dévoilera, mercredi 20 février, ses conclusions qui pourraient entraîner des suites judiciaires pour Alexandre Benalla, placé la veille en détention provisoire. Le rapport sera présenté à la presse à 11 heures par les deux co-rapporteurs Jean-Pierre Sueur (Parti socialiste) et Muriel Jourda (Les Républicains), précise la commission des lois dans un communiqué publié lundi.

  • La création de la commission

La commission d’enquête avait été déclenchée après que Le Monde eut révélé en juillet 2018 que l’ex-chargé de mission de l’Elysée avait frappé des manifestants à Paris, le 1er mai de cette même année.

En parallèle des développements judiciaires, à chaque fois déclenchés par des révélations de presse, la commission des lois a conduit ses investigations. Veillant à ne pas interférer avec la justice, celle-ci revendique une stricte observation de son cahier des charges, comme l’a maintes fois martelé le président de la commission des lois, Philippe Bas.

Cette affaire a pris très vite une tournure politique. Dans un premier temps, les sénateurs se sont interrogés sur la présence de ce proche collaborateur d’Emmanuel Macron parmi les policiers le 1er mai, officiellement comme simple « observateur ». Très vite ils se sont attachés à déterminer quelle était sa fonction exacte et s’il avait un rôle actif dans la protection du chef de l’Etat, qui relève par principe de services spécialisés.

Ils se sont en parallèle interrogés sur les sanctions qui avaient été ou non prises à son égard. Ils ont été très vite confrontés à des « incohérences » sur des questions très précises, comme le permis de port d’arme dont il disposait.

  • Quelle marge de manœuvre ?

La commission va faire treize « recommandations » pour que les « défaillances dans le fonctionnement de l’Etat » qui ont pu apparaître « ne se reproduisent pas ». Le rapport devrait permettre « l’amélioration des conditions » dans lesquelles est effectuée la protection des chefs de l’Etat et hautes personnalités.

  • Le déroulé des travaux

Au total, la commission d’enquête sénatoriale aura procédé à plus de 30 auditions. Alexandre Benalla lui-même, de même que son acolyte Vincent Crase, un ex-employé de La République en marche et chef d’escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie, sont passés deux fois sur le gril sénatorial. De même que Patrick Strzoda, directeur de cabinet du président de la République.

Deux ministres de l’intérieur ont été auditionnés : Gérard Collomb, en juillet, puis son successeur, Christophe Castaner, en janvier. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, également, mais aussi le chef de cabinet d’Emmanuel Macron, François-Xavier Lauch, le général Eric Bio-Farina, commandant militaire de l’Elysée, Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée…

Mais certaines de ces auditions pourraient avoir de nouvelles conséquences judiciaires. Plusieurs sénateurs ont ainsi affirmé qu’Alexandre Benalla avait menti devant la commission, alors même qu’il avait prêté serment. « Qu’il y ait eu parjure, c’est une évidence », a affirmé jeudi le patron des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau.

Si le mensonge est avéré aux yeux de la commission d’enquête, celle-ci pourrait donc aussi signaler à la justice ses soupçons de faux témoignages. En novembre, l’association Anticor avait d’ailleurs déjà écrit à M. Bas, pointant des « faux témoignages » de plusieurs personnalités entendues. Pour autant, le président de la commission comme ses rapporteurs ont toujours réfuté toute dimension politique à leurs travaux. « On n’a rien contre personne, on fait notre boulot objectivement », assurait encore récemment M. Sueur.

  • Les temps forts de l’affaire Benalla

Si le jeune couple malmené par l’ex-chargé de mission le 1er mai a écopé le 8 février d’une peine symbolique pour jet de projectiles sur des CRS, l’affaire Benalla est allée de rebondissement en rebondissement. Quatre jours après les révélations du Monde, Alexandre Benalla était mis en examen, notamment pour « violences en réunion n’ayant pas entraîné d’incapacité temporaire de travail » et « port et complicité de port prohibé et sans droit d’insignes réglementés par l’autorité publique ».

En janvier 2019 s’est ajoutée une mise en examen pour utilisation abusive de passeports diplomatiques après son licenciement. Il est maintenant aussi dans le collimateur de la justice pour sa participation présumée à la conclusion de contrats de sécurité avec des oligarques russes proches de Vladimir Poutine, dont un alors qu’il était encore à l’Elysée, contrairement à ce qu’il a dit sous serment à la commission sénatoriale.

Le parquet national financier a ainsi ouvert une enquête pour corruption sur un contrat de sécurité signé avec l’un de ces oligarques, Iskander Makhmudov, dans lequel serait aussi impliqué un militaire ami d’Alexandre Benalla, Chokri Wakrim. Ce sergent-chef a été suspendu de ses fonctions de comptable à l’état-major des armées à la suite de ces révélations sur « une activité professionnelle non autorisée par sa hiérarchie », selon la formule du ministère des armées.

Après des mois de feuilleton, un juge a décidé mardi de placer en détention provisoire l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron pour ne pas avoir respecté son contrôle judiciaire, dans l’enquête sur les violences du 1er mai, qui lui vaut d’être mis en examen.

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