« Le Prix de l’innocence » : la difficile évaluation du préjudice pour les détenus à tort
« Le Prix de l’innocence » : la difficile évaluation du préjudice pour les détenus à tort
Par Alain Constant
Pour la première fois, les caméras ont filmé les audiences de la Commission nationale de réparation des détentions.
« Le Prix de l’innocence », un documentaire de de Mathieu Delahousse, Théo Ivanez et Valérie Mérie sur France 2. / FRANCE 2
A combien se monte l’indemnisation d’un jour de prison pour une personne qui, après avoir été placée en détention, a été mise hors de cause par la justice ? Selon les cas, le montant est variable, comme le montre cet étonnant documentaire dans lequel, pour la première fois, des caméras ont filmé, au palais de justice de Paris, les audiences de la commission nationale de réparation des détentions, rattachée à la Cour de cassation. Un président, trois magistrats, un avocat général, une greffière et un agent judiciaire de l’Etat, qui tient les cordons de la bourse, sont là pour écouter le plaignant ou son avocat et décider du montant des réparations.
Une tâche délicate, car comment évaluer le prix de la liberté, du choc carcéral, de la honte, des drames familiaux qui ont pu découler de la détention pour des personnes finalement relaxées, acquittées ou ayant bénéficié d’un non-lieu ? Cette commission existe depuis près de vingt ans. Chaque année, près de 500 personnes font appel à elle pour obtenir une réparation matérielle.
Choc carcéral
Face caméra, des gens aux profils très divers (patron de PME, militante, artisan…) racontent leur détention, leur incompréhension, face à ce qui leur est arrivé. Qu’ils aient passé quelques jours ou quelques mois en détention ne change pas grand-chose au choc ressenti. Les juges réunis dans cette pièce ne sont pas là pour rejuger l’affaire, mais uniquement pour évaluer le prix à payer par rapport aux jours passés en prison. Un prix qui fluctue selon les cas, contrairement à certains pays, comme l’Allemagne, le Danemark ou l’Italie où il existe un forfait fixe par jour de prison.
Le système français, lui, se fait un devoir d’examiner au cas par cas. « Ce qui me frappe le plus, c’est de voir des êtres en état de souffrance, tout en étant sortis de détention. On ne répare pas, on essaie de compenser quelque chose », souligne le président de la commission. Evaluer le choc carcéral ? Difficile. Le temps passé en prison a t-il aggravé la pathologie de cette jeune femme détenue à tort ? Comment évaluer la perte éventuelle de revenus ? Autant de problématiques délicates. Chaque année, pour le prix de l’innocence, l’Etat français débourse un peu plus de dix millions d’euros.
Le Prix de l’innocence, de Mathieu Delahousse, Théo Ivanez et Valérie Mérie (Fr., 2019, 46 min), diffusé dans le magazine « Envoyé spécial ». www.france.tv/france-2/envoye-special