Les jolies colonies de vacances… et leurs accidents
Les jolies colonies de vacances… et leurs accidents
LE MONDE ARGENT
Les enfants qui partent en colonie ne sont pas à l’abri d’un accident. Celui-ci peut survenir lors d’une simple partie de football, pendant la baignade, ou même dans le centre d’hébergement. Quelle est la responsabilité des organisateurs ?
Les parents qui mettent en cause la responsabilité contractuelle des colonies de vacances doivent prouver qu’ils ont manqué de prévoyance et de diligence, dans l’exécution de cette obligation / Philippe Turpin / Photononstop
SOS CONSO Les organisateurs de colonies de vacances n’ont qu’une obligation de sécurité de moyens, compte tenu de la liberté de mouvement dont disposent les enfants. Les parents qui mettent en cause leur responsabilité contractuelle, sur le fondement de l’article 1147 (ancien) du code civil, doivent prouver qu’ils ont manqué de prévoyance et de diligence, dans l’exécution de cette obligation, comme le montrent les affaires suivantes.
Le 30 juillet 2001, alors qu’il participe à un jeu de ballon organisé par les moniteurs de son camp de vacances, Jean-Marc X, 12 ans, est poussé par un de ses camarades, et « shoote » dans un arbuste, au lieu de le faire dans le ballon. Le soir, comme il a très mal au pied, une monitrice titulaire du brevet de secourisme lui met un bandage.
Fracture du premier cunéiforme
Le cousin de Jean-Marc appelle Jacqueline X, la mère, qui s’inquiète. Elle-même infirmière, elle décide de venir récupérer son fils, contre décharge. La radio qui est faite le lendemain permet de constater l’existence d’une fracture du premier cunéiforme.
Mme X assigne l’Association Loisirs Jeunes Bugey, et le responsable du centre, M. Z, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, en soutenant qu’ils ont manqué à leur obligation de sécurité. Elle affirme notamment que le terrain, planté d’arbustes, « n’était pas approprié pour jouer au foot ».
L’association répond qu’elle n’a commis aucune imprudence dans l’organisation du séjour, et que les moniteurs qualifiés qu’elle emploie n’ont commis aucune négligence dans la gestion des conséquences de l’accident.
La cour d’appel de Lyon, qui statue le 12 janvier 2006, conclut à l’« absence de faute caractérisée » de l’association et de son responsable : « Le jeu de ballon auquel participait le jeune Jean-Marc X (…) ne présentait a priori aucun danger » ; en outre, « le fait pour l’enfant d’avoir été déséquilibré par un autre joueur et d’avoir’shooté’dans un arbuste soutenu par un tuteur au lieu du ballon relève d’une action de jeu, sans que puisse être retenu le caractère inapproprié du terrain, la présence de l’arbuste étant bien visible ».
Elle plonge sur ses copines
Le 31 juillet 1983, une jeune fille de 14 ans est victime d’un accident pendant qu’elle participe à un camp sportif, mêlant canoë-kayak en eaux vives, descentes de rivières, randonnées à cheval et camping sauvage. Elle se blesse en sautant d’un plongeoir aménagé sur le ponton d’un espace de baignade : elle heurte une fillette de 7 ans, qui se trouvait dans l’eau et se blesse.
La mère de la jeune fille attaque le comité central d’entreprise d’IBM France, qui organisait le camp de vacances. Elle soutient qu’il appartenait aux responsables du camp « d’interdire aux nageurs de s’aventurer dans l’aire de plongeon », mais aussi de « surveiller attentivement le plongeoir », dont l’utilisation, « par nature dangereuse », le serait encore plus avec des adolescents.
La cour d’appel de Paris la déboute, le 27 février 1996, au motif qu’« elle ne prouve pas une faute des organisateurs ou des moniteurs », dont elle constate qu’ils « surveillaient depuis le ponton l’ensemble de l’aire de baignade ». Elle relève que « les organisateurs pouvaient légitimement penser que la victime, âgée de 14 ans, et participant à un camp sportif, s’assurerait, avant de plonger, que l’espace de réception de l’eau était libre ». La Cour de cassation l’approuve, le 10 février 1998.
Elle tombe par la fenêtre
Le 15 avril 1997, une adolescente de douze ans, venue faire un stage de basket dans le Vercors, tombe par une fenêtre du deuxième étage du centre de vacances qui l’héberge, à Villard-de-Lans (Isère). Héliportée à l’hôpital cantonal de Genève (Suisse), elle présente, notamment, un traumatisme cranio-cérébral. Elle restera handicapée, mentalement et physiquement.
Le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), qui statue sur l’indemnisation du préjudice subi par la jeune fille, onze ans plus tard - le 24 avril 2008 - condamne le Club de basket d’Annemasse, qui organisait le séjour, et la Sarl Les Prés, qui exploitait le centre de vacances, à payer respectivement 60 % et 40 % des sommes dues.
La société et le club font appel. La première soutient que l’accident est dû à une faute de l’adolescente, qui est passée par la fenêtre, et au « défaut d’encadrement » du club de basket. Le club réplique qu’aucune faute de surveillance ne peut lui être imputée. Il rejette la responsabilité de l’accident sur l’adolescente et sur la société.
Obligations contractuelles
La cour d’appel de Chambéry, qui statue le 19 mai 2009, estime que le Club de basket d’Annemasse aurait dû « visiter avec la plus grande attention » la maison destinée à l’hébergement de ses membres, « afin d’en mesurer l’adéquation à l’accueil de jeunes adolescents » : une telle démarche « lui aurait en effet permis de constater que la margelle en béton, plus grande qu’une corniche, de soixante-dix centimètres de largeur, à visée esthétique, située en contrebas des fenêtres des chambres, faisait en elle-même obstacle à l’accueil d’enfants âgés d’une douzaine d’années ». La cour estime en effet « prévisible que des enfants de cet âge enjambent l’appui d’une fenêtre pour accéder à cette margelle, comme l’a fait [la jeune fille] ».
La cour d’appel conclut que « le Club de basket a manqué à ses obligations contractuelles ». Elle estime que le comportement « prévisible, qui a été celui de [la jeune fille] lors de l’accident, eu égard à son jeune âge, ne constitue pas une cause d’exonération de responsabilité, ni totale ni partielle ». Elle confirme le jugement.