© Julien Muguet pour « Le Monde », Paris, France le 16 avril 2019 - Un incendie ravage la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Des sapeurs-pompiers de Paris sont à l’oeuvre sur le parvis de la cathédrale. / JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

18 h 20. La messe vient de débuter, lundi 15 avril, dans la cathédrale Notre-Dame. Des croyants sont réunis dans l’édifice millénaire quand retentit une alarme, marquant le début d’un incendie dévastateur que les pompiers mettront neuf longues heures à éteindre. A cet instant, nul n’imagine que ce joyau du patrimoine français sera en partie réduit en cendre. L’église est évacuée dans le calme. L’incendie n’est pas constaté immédiatement.

Il faudra attendre vingt minutes pour qu’une deuxième alerte permette d’identifier le foyer dans la charpente. Cette forêt de chênes, haute de 10 mètres et longue de plus de cent mètres, soutenait une toiture immense et une flèche altière, qui finiront déchiquetées par les flammes. « La charpente, qui date du XIIIsiècle, s’est embrasée tout de suite », précise Mgr Patrick Chauvet, recteur de Notre-Dame et témoin de la scène.

Les premiers camions, venus de toute l’Ile-de-France, arrivent sur place vers 19 heures, envahissant le parvis. D’autres véhicules peineront à arriver jusque-là, le lieu ayant été fermé au public trop tardivement, selon certains sapeurs-pompiers. Alors qu’une colonne de fumée jaune envahit le ciel encore bleu, et que le feu se répand dans la charpente, des passants regardent estomaqués la cathédrale qui s’embrase. « Ça ne doit pas prendre autant de temps d’éteindre un incendie ! », lance une retraitée, téléphone à la main, filmant la scène.

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« Faire les bons choix »

En réalité, les pompiers sont confrontés à des conditions météorologiques défavorables, avec un vent important. A cela s’ajoute un contexte d’incendie fulgurant. « Les feux de charpente sont tout à fait particuliers et dévastateurs. Ils prennent une intensité très forte, très rapidement », explique à Europe 1 Laurent Vibert, ancien commandant des opérations de secours des sapeurs-pompiers de Paris.

« Est-ce qu’on va avoir le dessus ? Est-ce que c’est nous qui allons reprendre la main ? Est-ce que cela ne va pas nous échapper ? », se demande alors la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), selon le lieutenant-colonel Gabriel Plus, porte-parole des pompiers de Paris. « Il faut très rapidement faire les bons choix en prenant en compte le vent, en prenant en compte les travaux, en prenant en compte les moyens hydrauliques », résume le lieutenant-colonel, précisant que « le temps a joué au début contre nous ».

Dès le début de la soirée, plus de 400 sapeurs-pompiers sont mobilisés et seront relayés en milieu de nuit par des effectifs équivalents. Constatant que « la partie de la toiture prise par le feu n’est pas sauvable », la BSPP fait alors le choix de protéger les deux beffrois, c’est-à-dire les parties qui supportent les tours, rapporte le porte-parole des pompiers de Paris. « Imaginez : la charpente des beffrois fragilisée, les cloches qui s’effondrent, c’était vraiment notre crainte ! », justifie-t-il, précisant qu’il s’agissait « vraiment de sauvegarder des biens, de préserver ce qui pouvait l’être encore ».

Un robot en renfort

Devant le monument de pierres, pas de grandes échelles, ni de lances à eau. Le gros des opérations se joue à l’intérieur de la cathédrale. « Contrairement aux pompiers américains, les sapeurs-pompiers français s’attaquent aux incendies par l’intérieur », fait savoir Serge Delhaye, expert judiciaire en incendies, contacté par Le Parisien. « Si l’on se concentre sur l’extérieur, on prend le risque de repousser les flammes et les gaz chauds, qui peuvent atteindre 800 degrés, vers l’intérieur et accroître les dégâts », précise-t-il, évoquant une tactique « plus dangereuse pour les hommes mais plus efficace pour sauver le patrimoine ».

© Julien Muguet pour Le Monde, Paris, France le 15 avril 2019 - Un incendie ravage la cathedrale de Notre Dame de Paris. / JULIEN MUGUET POUR LE MONDE

Sur ordre du général Jean-Claude Gallet, dix hommes pénètrent donc, au péril de leur vie, dans l’enceinte de la cathédrale, où un brasier se consume au-dessus de leur tête, et alors que le plomb des toitures de la flèche a commencé à fondre. Là, des lances permettent d’atténuer l’incendie, n’empêchant pas d’importantes dégradations. Accompagnés d’un prêtre de la cathédrale, qui leur sert de guide, les pompiers ont pu sauver des flammes plusieurs œuvres d’art, comme la sainte Couronne.

Peu avant 20 heures, alors que la flèche est sur le point de s’effondrer, « nous avons concentré notre effort sur l’extérieur », rapporte le lieutenant-colonel, précisant que les personnes engagées à l’intérieur ont été remplacées par un robot, baptisé Colossus. Ce drone terrestre de 500 kg, piloté à distance par les pompiers et raccordé à une lance à incendie, a ainsi permis « d’éteindre et de faire baisser la température à l’intérieur de la nef ». Des drones, activés par la police, survolent également la cathédrale pour repérer de nouveaux départs de feu et guider les lances des pompiers.

Le recours aux bombardiers d’eau « impossible »

A l’extérieur, une dizaine de lances d’incendie juchées sur des bras articulés sont mobilisées autour de l’édifice, certaines pompant de l’eau de la Seine, non loin de là, sur de petites embarcations grâce à de très longs tuyaux. La nuit tombante vient alors s’ajouter à des conditions déjà délicates. La taille monumentale de la cathédrale, dont la flèche culmine à 93 mètres, complique l’intervention des sapeurs-pompiers.

Alors que le toit de l’édifice s’élève à 45 mètres, « les bras élévateurs aériens de la BSPP sont capables de monter à environ 30 mètres », rapporte le général Gilles Glin, patron de la brigade des sapeurs pompiers de Paris de 2011 à 2014, interrogé par Le Parisien. « La plus grosse difficulté a été la taille du bâtiment et l’intensité du feu », abonde un pompier mobilisé toute la nuit.

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Dans la foule de babauds observant les pompiers à l’œuvre, une question revient comme un leitmotiv : « Pourquoi ne pas avoir recours à un bombardier d’eau ? » Une option en réalité « impossible », informe la direction générale de la Sécurité civile, précisant qu’une telle opération « pourrait entraîner l’effondrement de l’intégralité de la structure ».

Vers 23 heures, le général Jean-Claude Gallet diffuse un premier message encourageant : « On peut considérer que les deux tours de Notre-Dame sont sauvées. La structure globale est préservée », même si « les deux tiers de la charpente sont détruits ». C’est justement depuis cette charpente qu’évoluent désormais les pompiers, lampes frontales sur la tête. Du deuxième étage, ils continuent d’intervenir sur le foyer de l’incendie.

Ce n’est que quatre heures plus tard, vers 3 heures du matin, que le porte-parole des pompiers de Paris annonce que le feu est « maîtrisé » et « partiellement éteint ». Au petit matin, une centaine de soldats du feu viennent alors relayer leurs collègues, pour une phase de surveillance et de sécurisation des lieux. Yaya, sapeur-pompier basé à Clamart, qui a passé la nuit à combattre le feu pour sauver cet édifice dans lequel il n’avait jamais mis les pieds, se réjouit d’être « venu à bout » de cette bataille : « Il y a des monuments comme ça, on passe devant, on se dit qu’ils seront toujours là… mais c’est pas grave, ils vont la reconstruire et, là, j’irai la visiter ! »

Incendie à Notre-Dame de Paris : premières photos de l’intérieur
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