TOUTE L’HISTOIRE - VENDREDI 10 MAI - 20 H 40. DOCUMENTAIRE

On ne compte plus les documentaires consacrés à l’ancien chef de la Gestapo lyonnaise, Klaus Barbie. Nombre de films sont revenus sur son procès historique, en 1987, à l’issue duquel il fut condamné à la prison à perpétuité pour avoir notamment déporté quarante-quatre enfants juifs du pensionnat d’Izieu, le 6 avril 1944 : Klaus Barbie, sur les traces d’un criminel nazi (2012), de Laurent Delahousse, donnait la parole à son avocat Jacques Vergès et à ceux des parties civiles – Roland Dumas et Serge Klarsfeld ; Klaus Barbie, un procès pour mémoire (2017), de Jérôme Lambert et Philippe Picard, s’appuyait sur les images des audiences, intégralement filmées.

Ce qui frappe le plus, c’est le jeu des services secrets occidentaux qui, après la guerre, ont tout fait pour protéger Barbie

Parce que le « boucher de Lyon » fut aussi celui qui tortura à mort le chef de la Résistance française, Jean Moulin, historiens et documentaristes n’ont depuis cessé de s’intéresser à sa vie entre la fin de la seconde guerre mondiale et son extradition de la Bolivie vers la France en février 1983. Comment un capitaine SS, identifié dès 1945 comme un tortionnaire, a-t-il pu échapper pendant près de quarante ans à la justice française ? Christophe Brûlé et Vincent Tejero répondent à cette question dans Klaus Barbie : la traque. Le thème n’est pas neuf. En 2015, déjà, dans Klaus Altmann alias Barbie, la seconde vie du « boucher de Lyon », les Allemands Peter Müller et Michael Mueller avaient remonté sa piste, bien aidés par leur conseiller historique, Peter Hammerschmidt, qui fut, en 2010, le premier à avoir accès aux archives du BND, le service fédéral allemand de renseignement, l’un des employeurs de l’ancien SS après la guerre.

Traques héroïques et avortées

Dans le film de Brûlé et Tejero, Peter Hammerschmidt intervient cette fois face à la caméra. Ses éclairages, tout comme ceux des journalistes d’investigation – les Français Fabrizio Calvi, Jean-Charles Deniau et l’Américain Peter McFarren –, s’avèrent précieux. Sans oublier le témoignage poignant de la journaliste bolivienne Mirna Murillo, qui fut torturée par Klaus Barbie lorsque celui-ci organisa la répression contre les communistes après le coup d’Etat du général Garcia Meza, en 1980.

De facture classique, le film reprend de nombreuses images d’archives désormais connues. Le récit n’en demeure pas moins captivant. Il y a bien sûr la, ou plutôt les traques : celle infructueuse entreprise par la justice et les services secrets français après la guerre ; celle héroïque de Beate Klarsfeld, enchaînée devant le palais présidentiel bolivien, réclamant l’extradition de Barbie en 1972 ; ou encore celle, avortée, de Michel Cojot-Goldberg, fils de déporté, qui, une fois devant Barbie, renonça à l’assassiner.

Mais ce qui frappe le plus, c’est le jeu des services secrets occidentaux qui, après la guerre, ont tout fait pour protéger Barbie, devenu un maillon essentiel dans la lutte anticommuniste en Allemagne, puis en Amérique latine. Le Counter Intelligence Corps – le CIC, qui deviendra la CIA – recrute ainsi Barbie pour repérer les communistes parmi les Français installés en Allemagne. Plutôt que de le livrer à la justice française, les Américains préféreront l’exfiltrer. L’ancien SS gagnera la Bolivie. Au service des dictateurs, il deviendra un conseiller militaire écouté, mais également un vendeur d’armes hors pair pour le compte du BND. Une ascension fulgurante, qui ne prendra fin qu’après l’élection d’un président de gauche, Hernan Zuazo. Et encore, il faudra que la France de Mitterrand livre 2 000 mitraillettes à La Paz pour obtenir enfin l’extradition du bourreau nazi.

Klaus Barbie : la traque, de Christophe Brûlé et Vincent Tejero (2017, 80 min). www.toutelhistoire.com