Le Sénat adopte un projet de loi modifié pour encadrer la restauration de Notre-Dame de Paris
Le Sénat adopte un projet de loi modifié pour encadrer la restauration de Notre-Dame de Paris
Le Monde.fr avec AFP
Les sénateurs veulent que ce soit un établissement public à caractère administratif, sous la tutelle du ministère de la culture, qui assure la conduite des études et travaux.
Notre Dame de Paris, vue de l’intérieur le 15 mai. / Philippe Lopez / AP
Nombre de sénateurs ont mis leur grain de sel dans le projet de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, mettant en garde contre un chantier qui serait mené dans la précipitation. Dominé par l’opposition de droite, le Sénat a adopté à main levée, dans la nuit de lundi 28 à mardi 29 mai, en première lecture, le texte encadrant cette restauration, après l’avoir largement modifié. Députés et sénateurs vont maintenant tenter de se mettre d’accord sur une version commune du texte.
Le projet de loi déjà adopté par l’Assemblée nationale entérine l’ouverture d’une souscription nationale pour gérer les dons de particuliers, entreprises ou collectivités qui ont immédiatement afflué après l’incendie qui a détruit le 15 avril la charpente et la flèche de ce monument emblématique. Il prévoit une majoration de la réduction d’impôt applicable aux dons des particuliers (portée à 75 % dans la limite de 1 000 euros). Le Sénat a prévu qu’elle s’applique dès le 15 avril, pour ne pas pénaliser les premiers contributeurs, alors que le texte initial fixait la période du 16 avril au 31 décembre.
Un calendrier présidentiel fustigé
La partie du projet de loi la plus controversée habilite le gouvernement à créer par ordonnance un établissement public destiné à assurer la conduite des études et travaux. Les sénateurs l’ont caractérisé en établissement public à caractère administratif et l’ont placé sous la tutelle du ministère de la culture. Le ministre de la culture Franck Riester a précisé que le gouvernement se dirigeait effectivement « plutôt » vers un établissement public, mais a souligné que le dispositif n’était pas encore arrêté. Il a néanmoins précisé que le cas échéant, « ce serait le général [Jean-Louis] Georgelin qui en prendrait la présidence ».
Tout aussi controversé, l’article habilitant le gouvernement à déroger à certaines règles (urbanisme, environnement, construction, préservation du patrimoine, commande publique) a été supprimé par les sénateurs dès l’examen en commission, avec l’assentiment de quasiment tous les groupes. « Oui, nous restaurerons Notre-Dame de Paris. Le président a fixé un objectif, 5 ans, c’est un délai ambitieux, volontariste (…). Dans cette tâche qui nous attend, nous ne confondrons jamais pour autant vitesse et précipitation », a déclaré le ministre.
Le chef de l’Etat a réaffirmé vendredi ce calendrier qui irrite les sénateurs à peu près sur tous les bancs. « Il s’agit d’une loi pour reconstruire Notre-Dame de Paris, pas Notre-Dame de l’Elysée », a attaqué le sénateur socialiste David Assouline (Paris), tandis que Pierre Ouzoulias (CRCE à majorité communiste, Hauts-de-Seine) évoquait « une dépossession » des autorités compétentes « au profit d’un dispositif contrôlé depuis le plus haut sommet de l’État ».
Le rapporteur Alain Schmitz (sénateur des Yvelines, Les Républicains, LR) a jugé « absurde de se laisser enfermer dans le délai de 5 ans si celui-ci doit conduire à rogner sur la qualité du chantier ». « Le chantier durera ce qu’il doit durer », a appuyé la présidente de la commission de la culture Catherine Morin-Desailly (centriste, sénatrice de la Seine-Maritime). « La parole présidentielle ne fait pas loi », a encore tancé le sénateur de l’Oise, Olivier Paccaud (LR), soulignant qu’« une reconstruction ne peut pas être une course de vitesse ».
Une restauration à « l’identique »
Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a inscrit dans le texte que la restauration devra être fidèle au « dernier état visuel connu » du monument avant le sinistre, y compris la flèche, précisant même que l’emploi de matériaux différents de ceux d’origine devra être justifié. Ce point a rencontré l’opposition des socialistes (PS), pour qui il « interdirait tout geste architectural ultérieur ». Le PS a relancé le débat qui avait suivi l’annonce d’un concours d’architecture international pour restaurer la flèche.
Vendredi, M. Macron a assuré que le chantier « redonnerait une flèche » à la cathédrale, appelant de ses vœux « une reconstruction inventive » en s’inspirant de « ce qu’avait fait Viollet-Le-Duc en son temps », qui avait privilégié « une alliance de la tradition et de la modernité, une audace respectueuse ».
Dimanche, assumant être « conservatrice » en la matière, la maire de Paris Anne Hidalgo (PS) s’est dite « favorable à ce que [la cathédrale] soit restaurée à l’identique », tout en mettant de côté la question de la flèche, qui « n’a été ajoutée qu’au XIXe siècle ». « Aucune indignité ne doit peser sur le XIXe siècle ni sur Viollet-Le-Duc », a plaidé le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau (Pays de la Loire).
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